1. Ayaan, un autre monde


    Datte: 08/04/2020, Catégories: fh, ff, couleurs, revede, fdanus, init, journal, initff, Auteur: Karine2x, Source: Revebebe

    ... horreur. Et puis l’école ! poursuit Ayaan. Pourquoi envoyer sa fille à l’école ? Dès qu’elle est pubère, on peut la marier, c’est-à-dire la vendre. Elle sert alors d’esclave soumise et battue par un homme qui lui fait un enfant tous les 11 mois dont un sur deux survit.
    
    Je la regarde effarée. Elle me renvoie un sourire triste.
    
    — C’est la réalité Karine, encore aujourd’hui au fin fond de mon pays. Mon père était contre ces coutumes ancestrales, il les combattait. Nous étions pauvres, mais j’allais à l’école, la vie était belle. La guerre d’indépendance entre l’Érythrée et l’Éthiopie en 1988 a été le début du cauchemar. Un jour des pillards sont venus de nulle part. Mon père et mes deux grands frères ont été tués en essayant de défendre notre commerce, ma mère a juste eu le temps de me cacher. J’avais 10 ans. En représailles pour avoir perdu un des leurs, ils l’ont violée puis tuée. Ne sachant pas que j’existais, j’ai eu la vie sauve. Ils sont repartis comme ils étaient venus. J’étais la seule survivante de ma famille.
    — Comment tu as survécu ? demandais-je la gorge nouée.
    — Une O.N.G. française m’a recueillie. Je rendais des services tant que je pouvais, je portais des sacs de nourriture, j’aidais les médecins et les infirmiers, j’essayais de me rendre indispensable pour rester avec eux. Comme je parlais un peu le français grâce à mon grand père, je faisais l’interprète. À la fin de la guerre en 1993, j’avais 15 ans. J’étais magnifique, je ressemblais à ma mère, c’est ...
    ... ce qui m’a sauvée. Un kiné est tombé amoureux de moi. C’est lui qui m’a initiée aux massages. Nous avons fait un marché. Je cédais à ses avances s’il faisait son possible pour me ramener en France, c’était du donnant-donnant. Je ne l’aimais pas, j’avais l’impression de me vendre, il me prenait sans aucun respect, les hommes ont commencé à me dégoûter.
    — Il a tenu sa parole ?
    — Oui. Je me suis retrouvée à Paris, mais sans papiers. Pour être régularisée comme réfugiée, j’ai dû me donner à des inconnus qui avaient le pouvoir de faire avancer mon dossier ou, plutôt, qui disaient pouvoir le faire. Karine, tu comprends pourquoi je préfère les femmes ?
    
    J’acquiesce de la tête, toute retournée par son récit.
    
    — Ensuite, continue-t-elle, j’ai pu entamer des études. Bien sûr, il n’était pas question que je devienne Kiné. Je me suis inscrite dans une école de massage. Pour pouvoir payer les cours et subsister, je pratiquais le soir en banlieue des massages… avec « finition, tu vois ce que je veux dire, c’est le terme utilisé. Je branlais les mecs, quoi.
    
    Je lève les yeux avec un regard interrogateur.
    
    — Oui, Karine, je me suis même vendue. Je demandais une somme astronomique, parfois cela marchait. Cela me suffisait pour plusieurs semaines. Depuis que j’ai mon diplôme, je travaille au hammam et je gagne ma vie honnêtement, j’en suis fière. L’argent ne m’intéresse pas du moment que j’ai suffisamment pour vivre et payer mon loyer.
    
    Je reste muette, ne sachant quoi dire. À sa ...
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