Ayaan, un autre monde
Datte: 08/04/2020,
Catégories:
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Auteur: Karine2x, Source: Revebebe
... l’artisanat… Ça c’est un poignard Afar. La statuette en ébène qui représente un guerrier vient du Soudan. La croix au-dessus de mon lit est une croix copte éthiopienne…
— Et ça ?
— Ça, c’est un Krar, un instrument de musique. Si cela t’intéresse, j’ai aussi quelques bijoux qui viennent de là-bas, viens voir dans mon coffre.
Ayaan me tend quelques boucles d’oreilles, des bracelets, des colliers.
— Celui-là est magnifique, m’exclamais-je devant l’un d’eux.
— C’est un collier traditionnel Tigrinien. Il te plaît ? Je te le donne.
— Mais… Pourquoi ? demandais-je suffoquée.
— Karine, tu n’as jamais fait l’amour avec une femme et tu as choisi de le faire avec moi. Garde-le en souvenir, je te le donne du fond du cœur.
Je suis sidérée… Cette fille n’a rien, elle me donne un des objets auquel elle tient le plus ! Du coup, je culpabilise. J’ai honte d’être une accro du shopping, honte de dépenser un pognon monstre en fringues.
— Mais Ayaan, c’est trop ! Que vais-je pouvoir t’offrir en échange ?
— Ce n’est rien. Je m’en referai faire un autre et si tu veux me faire plaisir envoie un chèque à l’O.N.G. qui m’a recueillie.
Émue aux larmes, je l’embrasse en la remerciant.
— Karine, installe-toi. Nous allons dîner tout de suite, car tout est prêt.
Délaissant le pouf, je retire mes bottines pour être à l’aise et je m’assieds comme elle en tailleur devant la table basse, elle me tend le tajine.
— Sers-toi, Karine, ce sont des morceaux d’agneau avec des petits ...
... légumes cuits dans du beurre avec des herbes, des oignons et des épices, poivre vert, ail, gingembre. C’est le plat traditionnel de mon pays.
— Cela a l’air délicieux.
— Parle-moi de toi. Tu es mariée, m’as-tu dit.
Je parle. Je me détends petit à petit, je deviens intarissable. Je parle de moi, de Pierre, de mon travail, de Maud notre amie commune.
— Et toi, Ayaan ? Maud m’a dit que ta vie était un vrai roman, raconte-moi.
— C’est un roman triste, Karine. Je suis née dans la corne de l’Afrique, en Érythrée, d’une famille chrétienne copte. Mon sang est un vrai mélange. Mon grand-père était un soldat Français de Djibouti, ma grand-mère une femme du pays beaucoup plus jeune. Ils n’ont eu qu’une enfant, ma mère, qui était une métisse d’une beauté à couper le souffle. Mon père, lui, était d’origine égyptienne, il était évolué, il faisait du commerce, il voyageait, il était moderne dans ses idées. Grâce à lui, je n’ai pas été excisée et j’ai pu aller à l’école.
Je dois avoir les yeux ronds, car elle ajoute.
— Ne sois pas surprise, Karine. Toute l’Afrique est prisonnière de ses traditions. 95% des filles sont excisées en Érythrée et même souvent infibulées. Là-bas, une fille non excisée est une fille facile qui trompe forcément son mari.
— Mais… 95%… c’est pratiquement toutes les femmes, m’exclamais-je horrifiée. Dans mon idée, c’était l’apanage de tribus reculées du fin fond de l’Afrique.
— Non, pas du tout. Le pire, c’est que ce sont les femmes qui transmettent cette ...