1. Chasse royale


    Datte: 13/03/2020, Catégories: nonéro, historique, Auteur: Pierre Siorac, Source: Revebebe

    ... fauteuil de jardin, Aldemar riait comme un enfant.
    
    — Ah, chère… Rose… Vous ne vous défendez pas… si mal…
    — Pfft… Je ne suis même pas capable de toucher Ventre à terre.
    — C’est qu’il… se défend… mieux.
    — Mais vous aviez promis de m’enseigner, Aldemar. C’étaient là les termes du contrat.
    — Ah ah… Vous me… demandez… de passer… outre l’interdiction… du chevalier.
    — Il prétend que l’épée n’est pas affaire de femmes.
    — Ce en quoi il a bien raison, ricana Ventre à terre en époussetant la poussière qui le recouvrait.
    — Rose… Se battre ainsi… exige d’être prête… à aller… jusqu’au… bout. Seriez-vous… prête à enfoncer… votre lame dans… la gorge… de vos adversaires ? Prête à voir… leur sang se… répandre sur… le sol ?
    — Je suis prête à tout pour protéger ma famille. Et actuellement, je suis la seule ici à pouvoir le faire, n’est-il pas vrai ?
    — Et moi ? Je compte pour un demi ? répondit Ventre à terre.
    — Toi ? Mais dis-moi : malgré toute ta science, tu ne m’as touchée non plus une seule fois depuis le début.
    — Bien… vous avez raison… prenez vos épées… tous les deux… Nous allons tout… reprendre depuis… le début… Allons, face à moi…
    
    Les deux escrimeurs se mirent face au comte.
    
    — Bien… En garde… Tierce… Prime… Tierce… Quinte… Fendez-vous ! Reprenons… Tierce… Prime…
    — Aldemar, vous vous moquez. Nous connaissons déjà tout cela.
    — Vous ne… connaissez rien… Vous vous battez… comme des… enfants. Tierce… Septime… j’ai dit « septime »… Ventre à terre… tu es en sixte… ...
    ... Fendez-vous… Encore… encore…
    
    Pendant deux heures entières, le comte de Merville fit travailler ses deux élèves d’arrache-pied, leur faisant reprendre les bases de l’escrime, leur expliquant quand frapper de taille plutôt que d’estoc, les oppositions, les enveloppements, les ripostes… Il y prenait plaisir, retrouvant une partie de sa jeunesse, et il était subjugué par les dons innés de sa belle-fille qu’il admirait de plus en plus. Et puis surtout, Rose n’avait pas tort : Pharamond absent, qui défendrait efficacement le domaine contre l’appétit des brigands ?
    
    Il fallut à peine une semaine pour que nos deux apprentis deviennent des bretteurs acceptables. Lors du dernier assaut, Rose l’emporta par cinq touches contre deux pour Ventre à terre. Rose, resplendissante, s’adressa alors à son beau-père bien-aimé :
    
    — Alors, Aldemar, qu’en dites-vous ?
    — J’en dis que… je suis… dépité, Madame.
    — Et pourquoi donc, je vous prie ?
    — Parce que… vous êtes morte. Ventre… à terre vous… a touchée… en premier.
    — Mais…
    — Reprenons tout… depuis le… début, voulez… vous ? Allons… En garde… Tierce… Septime… J’ai dit « septime »… Ventre à terre !
    
    C’est alors qu’un cavalier fit irruption dans la cour du domaine. Il était épuisé, et portait les armes de Monsieur de Sillery. À peine fut-il descendu de sa monture que cette dernière tomba raide morte.
    
    — Veuillez me pardonner, dit l’homme ; des nouvelles urgentes de Paris. C’est le troisième cheval que je crève en trois jours.
    
    Il tendit une ...