Chasse royale
Datte: 13/03/2020,
Catégories:
nonéro,
historique,
Auteur: Pierre Siorac, Source: Revebebe
... Vous avez bien dit « en théorie », Monsieur de Fouquerolles. Mais je puis dire ce que je veux : madame ma mère ne l’entend pas de cette oreille. Et personne au Louvre n’agira sans son consentement.
— Alors ordonnez-nous de le mettre aux arrêts, reprit Luynes. Et votre ordre sera exécuté, vous le savez.
— Et comment réagira la reine, à votre avis ?
— Elle n’est plus reine, répondit Nicolas de Sillery. Vous êtes le roi. Il faut qu’au moment de l’arrestation, vous pénétriez chez elle accompagné de quelques-uns d’entre vos fidèles et que vous l’informiez que désormais les choses ont changé.
— Vous la connaissez : elle se rebellera. Et elle tentera par tous les moyens de remettre Concini en place.
— Puis-je me permettre, Sire ? intervint alors Pharamond.
— Je vous en prie, Chevalier.
— Je ne suis ni diplomate, ni juriste, et encore moins homme de cour ; aussi permettez-moi de vous parler « à la franche marguerite » comme l’on dit de par chez moi.
— Allez-y, Monsieur de Merville ; cela me changera de la sinuosité des discours habituels ! répondit Louis en riant.
— Eh bien, mon cher père avait coutume de dire qu’un loup blessé était plus dangereux encore qu’un loup affamé. Concini est un loup… et il est affamé d’argent, d’honneurs et de pouvoir. En le démettant de ses fonctions, vous le blesserez. Et, en exil ou en prison, il méditera sa vengeance. Vous pourriez le faire juger, certes, et condamner. Mais même l’Inquisition ne juge plus les animaux de nos jours.
— ...
... Alors que faire, Monsieur ?
— Vous ne pouvez donner l’ordre de tuer Concini, Sire : votre règne se doit commencer par la clémence et la justice ; devenez « Louis le juste », et ne laissez dire à personne que vous auriez ordonné la mort d’un homme, fût-ce le plus misérable d’entre eux. Par contre…
— Par contre ?
— Il arrive que des chasseurs se voient contraints d’abattre des loups, ou des chiens enragés.
— Je vois…
— Vous pouvez, bien sûr, nous interdire de chasser, Sire. Un simple mot de vous et les loups du royaume pourront aller et venir tranquilles.
Louis ne répondit pas. La cause était entendue.
On erra longtemps en silence dans la vaste forêt, chacun perdu dans le secret de ses pensées. Luynes échafaudait son plan ; il devait être rapide et sûr. Il faudrait désormais connaître à l’avance les déplacements de l’aventurier, organiser le guet-apens et frapper comme la foudre. Il faudrait dans le même temps neutraliser la reine mère. Il fallait compter pour cela sur des gens de confiance… L’après-midi était bien avancé quand soudain un cri retentit :
— Sanglier droit devant !
Tous sortirent de leurs méditations. On lâcha les chiens et on chargea sus au gibier.
La poursuite dura plus d’une heure. La bête était robuste… mais les chasseurs expérimentés. Et Louis s’amusait, enfin. On le voyait rire, donner des ordres, organiser la traque. En cet instant, loin de tout, des intrigues et des complots, il était le roi et agissait comme tel. Sillery lui-même était ...