1. Chagrin


    Datte: 03/02/2020, Catégories: amour, jalousie, cérébral, nopéné, nonéro, mélo, couple, Auteur: Passerose, Source: Revebebe

    ... donnait déjà un léger embonpoint. Compagnon de travail mais aussi de beuverie de papa, il aurait pu être pour mes parents le gendre idéal : de bonne famille paysanne, possédant quelques terres au village, travailleur vigoureux et peut-être bientôt contremaître à l’usine. Le parti idéal se retrouvait en face du gendre idéal.
    — Comment es-tu libre dans ce cas ?
    — Je me demandais si mes parents et lui n’avaient pas convenu à mon insu que nous étions faits l’un pour l’autre. Comme je n‘avais pas encore dix-neuf ans, rien ne pressait : il ne fallait rien brusquer. Je sentais que mon destin était décidé sans que l’on m’eût dit quoi que ce soit. La ligne était fixée et avec un peu de patience le garçon gagnerait mon cœur avec la bénédiction paternelle. On ne vend plus les filles, on prépare sérieusement leur avenir. Les mailles du filet se resserraient, je me sentais mouche prise au piège de l’araignée. Pourtant j’avais trop souffert des excès de boisson de mon père pour envisager d’épouser un mari buveur.
    — Tu envisageais de l’épouser : l’aimais-tu ?
    — Je ne sais pas, je me faisais une raison, donc j‘ai cru l‘aimer. Je me consolais en silence, en espérant que le mariage le transformerait. La prise de responsabilités familiales lui mettrait plus de plomb dans la cervelle que d’alcool dans le sang. Je considérais avec un certain fatalisme le déroulement des événements. Nous étions sur une pente, il suffisait de se laisser glisser, l’amour viendrait après.
    — Je croyais naïvement ...
    ... que les filles rêvaient d’un mariage d’amour. Toi, tu n’en rêvais pas ?
    — Maintenant oui depuis que je t’ai rencontré, si tu veux toujours de moi. Parfois on me plaisantait :
    — Buvait-il vraiment autant que tu le laisses entendre ? Est-ce pour cela que vous ne vous voyez plus ?
    — Sois patient. Les visites d’Al étaient de plus en plus fréquentes. Al, c’était l’abréviation de son véritable prénom Aloïs. Au village dans le passé c’est ainsi qu’on l’appelait. Ici également. Un dimanche, après la messe, il nous avait accompagnés au café-PMU, lui et mon père voulaient parier au tiercé. Il avait à peine franchi la porte que je pus constater qu’il était très populaire. Tous les habitués lui donnaient du Al. Mais je fus aussi choquée par sa capacité à ingurgiter force bière. Comment une petite femme pourrait-elle arrêter un tel torrent ? Au retour, je ne le vis même pas tituber ou trébucher : il avait une sacrée descente et du coffre le gaillard, pensai-je avec un brin d’admiration.
    — Je sens que tu as gardé une bonne image de lui. Saurai-je le faire oublier ? Es-tu sûre de m’aimer ? C’est la vraie question. Je viens de te demander de m’épouser parce que je t’aime. Je suis heureux quand je suis avec toi. Ce que tu viens de me dire ne me fait pas revenir sur ma proposition. Épouse-moi si tu m’aimes. Si tu as des doutes, ne te crois pas obligée d’accepter.
    — Je t’aime de tout mon cœur. Je souhaite t’épouser parce que je t’aime. Mais je te prie de me laisser te raconter ce morceau ...
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