1. 55.5 Après le déluge (partie 2, Gruissan – Toulouse)


    Datte: 27/01/2020, Catégories: Entre-nous, Les hommes, Auteur: Fab75du31, Source: Hds

    ... partie.
    
    Vendredi 24 août 2001
    
    Comme prévu c’est ce vendredi en début d’après-midi que nous quittons Gruissan et nous reprenons la route vers Toulouse.
    
    Depuis deux semaines, après le déluge, j’ai pleuré jusqu’à en perdre toute énergie ; j’ai pleuré pour me délester de ma souffrance, j’ai pleuré pour oublier ; je repense à mon bleu sur le visage dont il ne reste presque plus rien : la distance et le temps m’ont fait du bien.
    
    J’ai eu la chance de commencer ma vie sentimentale, et aussi de connaître mon premier grand chagrin d’amour, à une époque où la distance physique autorisait une véritable absence de l’autre, cette dernière étant un préalable nécessaire au deuil affectif.
    
    C’était une époque où Facebook et Instagram n’existaient pas ; et puisqu’ils n’existaient pas, ils ne pouvaient pas se transformer, dans le cas d’une rupture, en funestes témoins de mondes perdus ; en vitrines, indécentes et impudiques, de nouvelles vies dont nous ne faisons plus partie ; en couteaux remuant sans cesse dans une plaie affective béante qui aura d’autant plus de mal à guérir ; en machines à alimenter la jalousie, à maintenir la souffrance, à annuler la distance mentale, rendant encore plus insupportable la distance physique et affective de l’autre ; en instruments interdisant au passé de devenir le passé, nous privant tout bonnement du salutaire et indispensable droit à oublier.
    
    Alors, loin de lui, loin de tout, j’ai essayé de l’oublier. Je réalise soudainement que ça fait ...
    ... pile deux semaines aujourd’hui ; deux semaines depuis ce vendredi noir, depuis cette triste date du 10 août. Je me rends compte que, depuis deux semaines, je n’ai jamais prononcé son prénom. Elodie non plus, d’ailleurs.
    
    Le seul écart commis, c’est ce maudit coup de fil que je n’ai pas pu m’empêcher de passer un soir de détresse aigue. Si seulement je pouvais oublier aussi les 10 chiffres de son portable. Hélas, j’ai trop la mémoire des chiffres. Mais je suis bien déterminé à ne plus jamais m’en servir. Et, avec un peu de chance, quand il sera à Paris, il en changera.
    
    Au bout de ces deux semaines loin de tout, j’ai l’impression de retrouver un semblant de sérénité et d’équilibre ; enfin, de la résignation du moins.
    
    La cité de Carcassonne fait son apparition sur notre gauche, embrasée par la couleur vive du soleil de l’après-midi.
    
    Nous ne sommes plus qu’à 100 bornes de Toulouse.
    
    Il me manque horriblement… est-il encore sur Toulouse ou est-il déjà parti à Paris ?
    
    Un constat déchirant et un questionnement tout aussi angoissant : voilà ce qui tourne en boucle dans ma tête au réveil de la première nuit passée dans ma chambre.
    
    Sentir en moi le besoin irrépressible d’aller le voir, coûte qui coûte : à Toulouse, ou à Paris…
    
    Voir soudainement, violemment prendre forme en moi l’espoir désespéré de pouvoir rattraper ce qui s’est passé, l’espoir d’aller le voir et de trouver enfin le passage secret qui donne accès à son cœur, les mots qui sauront le toucher ; me dire ...