L'abbaye de La Sault d'Omy. (1)
Datte: 17/01/2020,
Catégories:
Divers,
Auteur: yannlakeu, Source: Xstory
Père était un homme grand, très grand même, mais gros, au visage ingrat, au regard dur. Je ne l’aimais guère, je le craignais plutôt.
Du reste, aimer n’était pas un mot employé dans le vocable de notre lignage où les sentiments n’avaient que peu de place. Ce n’était point non plus d’ailleurs dans l’air du temps où Monsieur Rousseau écrivait l’"Emile», mais délaissait ses propres enfants.
Père passait le plus clair de son temps dans son cabinet à recevoir son intendant ou tel ou tel commis. La seule chose qui l’intéressait, c’était arrondir le patrimoine, compter les rentrées du cens ou de ses banalités, les revenus de ses hameaux et de ses métairies, de ses fermes et de ces terres.
J’avais eu le malheur d’évoquer devant lui cet intérêt quasi exclusif pour l’argent. Il m’avait répondu qu’il fallait bien soutenir les dépenses de ma mère, ce qui était faux par ailleurs, le patrimoine personnel de cette dernière y suffisant amplement . Il m’avait puni de mes remontrances, nu, attaché, fouetté sur le cul presque jusqu’au sang.
On ne s’opposait point à mon père.
C’est ce que mon frère, Gaspard, avait compris. Celui-là, je le détestais. Mon aîné d’à peine deux ans, ce personnage falot, grand comme mon père, mais sec et malingre, avait une aversion profonde pour les exercices du corps et ne se complaisait qu’en dévotions, bibliothèque et livres de comptes, ayant hérité de la solide formation des jésuites du collège d’Anchin, juste avant qu’ils ne fussent ...
... heureusement expulsés du Royaume en l’an 1763. Il hériterait du titre et des terres et Père l’avait initié à la gestion tatillonne et mesquine du domaine qui nous faisait détester de la plupart de nos gens. J’étais son contraire au physique, plus petit, mais très musclé, rompu aux exercices athlétiques, aux armes et à l’équitation, toujours courant en quête d’aventure, peu assidu aux travaux de l’esprit, et, il faut le dire, assez beau, ayant hérité des traits de ma mère.
Celle-ci on ne la voyait guère que deux fois l’an. Madame la marquise passait le plus clair de ses jours à la cour du Roi Louis Quinzième ou dans les salons de Paris. Elle ne revenait que très rarement, accompagné du frère de mon père, l’évêque de X****, parrain de mon frère et qui était le seul à peu près qui nous témoignât de l’intérêt et de l’affection, mais au demeurant prototype parfait du haut clergé de cour d’ancien régime.
Mère, quoique proche des quarante ans était très belle encore, dotée d’appâts très généreux, surtout selon le goût du temps où l’on appréciait les gorges pigeonnantes, mais elle était seulement préoccupée des mondanités et de briller dans la brillante société où elle rencontrait encore quelques succès.
Les seules heures que je passai avec mon père étaient celles où il m’emmenait à la chasse. J’adorais cela et je dois dire que je suis fort bon équipier.
Mon père lors d’une de nos dernières sorties avait évoqué mon avenir.
Il n’était pas question de m’établir dans le monde, mon ...