Une leçon d'amour
Datte: 20/03/2018,
Catégories:
fh,
hplusag,
fplusag,
intermast,
Oral
pénétratio,
portrait,
amourdram,
Auteur: Zahi, Source: Revebebe
Bloqué au barrage de police, Mohsen ne peut plus avancer. La sacoche de son ordinateur suspendue à son épaule, Sabri lui fait une dernière bise puis, tout en lui jetant un coup d’œil, présente son passeport et son billet d’enregistrement à un jeune agent qui surveille l’accès à l’espace voyageurs. Deux secondes après, Sabri disparaît derrière la paroi rigide, et Mohsen reste immobile encore une minute, réfléchissant à ce qu’il pourrait bien faire du reste de son dimanche. Il décide alors de revenir à son appartement de banlieue, qu’il partageait avec Sabri, de faire un peu de jardinage chez madame Nataf, la propriétaire, puis préparer un couscous et lui emmener une bonne assiette.
Il est vrai que cela fait plus de deux mois qu’il n’a pas fait de couscous, parce qu’il y avait toujours un empêchement, et puis il a été tellement occupé les derniers mois par ses travaux de thèse en informatique, qu’il s’était résigné à manger les cochonneries des restaurants universitaires. D’ailleurs, en ajustant son pantalon, il se rend compte combien il a maigri, et se dit qu’il est temps de reprendre un peu de forces. C’est la fin du mois de mai et il commence à faire vraiment beau, avec de longues journées ensoleillées. Il pourra se prélasser sur une chaise longue avec Madame Nataf, dans son petit jardin, évoquant divers petit sujets, et mangeant les petits mets qu’il aurait préparés, comme il l’avait fait l’année dernière avec Sabri.
Dans le RER, Mohsen pousse dans ses oreilles les ...
... écouteurs de son baladeur MP3, et s’enfonce profondément dans un siège, le coude appuyé sur le rebord de la fenêtre, les yeux mi-clos. Il écoute« Les ruines », la plus belle chanson d’Oum Kalthoum qui, pour une raison qu’il connaît bien, le fait vibrer en entier. Il l’avait tellement écoutée avec Nadia, lorsqu’il était au lycée, à la sortie des cours. Ils avaient un ancien baladeur avec cassette, ils mettaient un écouteur dans l’oreille de chacun, à l’abri sous un cyprès entre les ruines de Carthage, ou en se baladant sur la corniche de la Marsa par temps d’hiver où il n’y avait personne, à part la mer houleuse, les mouettes, et la brume des jours sans soleils. Il répète silencieusement le refrain.
Ces tristes paroles, à l’époque, les faisaient résonner de concert, alors qu’ils se touchaient les mains et qu’une onde circulait entre eux. Et lorsque, à la fin du refrain, Oum Kalthoum, de toute son exceptionnelle force vocale, répétait« C’est l’amour qui l’a voulu ainsi », Mohsen ne pouvait plus bouger, il s’immobilisait, transi, serrant la main de Nadia, et il devait attendre quelques secondes après la fin du refrain pour pouvoir remuer à nouveau ses jambes. Ils pensaient alors que ce qu’elle chantait ne leur arriverait jamais, ils étaient convaincus qu’ils étaient unis pour la vie et que rien, absolument rien au monde, ne pouvait les séparer. Ils avaient à peine quinze ans chacun. Et ils avaient tort.
Mohsen fait une escale à Bobigny pour acheter un kilo d’agneau et des ...