Rébellion - Histoires de Sexe

Rébellion

... maladroit, ces temps-ci. Presque tout mon service en porcelaine semble avoir été réduit en miettes !

Églantine ne releva pas. La maladresse du comptable était proverbiale. Et ça ne datait pas d’hier !

Églantine Palonnier avait la tête sur les épaules. Infirmière puéricultrice dans un grand hôpital parisien, elle était régulièrement confrontée à la maladie et à la mort. Perdre un de ses petits patients était une des épreuves les plus difficiles de son métier. Presque aussi difficile que d’annoncer la dramatique disparition à des parents hagards qu’elle voyait souvent s’effondrer, quelquefois sortir de leurs gonds, et même parfois devenir violents…

Ce dimanche-là, elle en avait « gros sur le cœur », comme on dit. Un besoin irrépressible de parler à quelqu’un de ce qu’elle avait vécu dans son service pédiatrique en cette fin de semaine. Une semaine qui, pourtant, avait débuté de façon tout à fait banale, avant que Manon, à peine dix ans et de grands yeux gris qui vous hypnotisent quand on y plonge le regard, ne meure, quasiment dans ses bras…

Quelques jours auparavant, la petite, qui revenait pour la quatrième fois dans le service après une longue rémission, lui avait demandé :

Églantine parla avec émotion de Manon à Francis, qui hochait ...

... gravement la tête en l’écoutant. Quand elle l’avait vu avec la tête rasée, ça l’avait soudain ramenée à son univers de petits malades aux crânes glabres. L’inquiétude brutale qu’elle avait éprouvée pour Francis Pichon lui avait fait réaliser l’importance prise dans sa vie de tous les jours par la présence drolatique du comptable et par sa maladresse chronique si poignante.

Malgré la différence d’âge, elle éprouvait une sorte d’affection étrange pour cet homme. Sans qu’elle sache vraiment pourquoi, elle s’imaginait assez facilement Francis Pichon sous les traits d’un acteur comique subissant en permanence des mésaventures incroyables. Il lui faisait penser à Bourvil, par sa constante gentillesse et sa timidité prévenante.

Après avoir passé un bon moment à plaisanter et à rire avec lui, elle remonta dans son appartement. Elle se sentait beaucoup mieux. Cependant, une pensée étrange titillait son esprit ; elle avait trouvé Francis Pichon changé… Ce n’était pas simplement sa coupe de cheveux martiale. Il y avait quelque chose de singulier dans son attitude. Comme s’il s’agissait d’une personne sensiblement différente du Pichon qu’elle connaissait. N’avait-il pas eu l’air de s’intéresser à elle, aujourd’hui, lui d’habitude si distrait ?

[À suivre…]