Rébellion
Datte: 23/11/2019,
Catégories:
nonéro,
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... rester sans rien faire !
Okay, faire quelque chose… mais quoi ? Dans un accès de courage confinant à l’héroïsme, Francis Pichon décida alors d’accomplir le geste de rébellion le plus hardi qui soit, vu son faible degré de résistance à la douleur : il se mit en quête de sa tondeuse électrique professionnelle bi-vitesse à réglage ergonomique de hauteur de coupe, afin de raser cette stupide tignasse blonde, seule particularité de son nouveau personnage pouvant être amputée sans souffrances inutiles… C’était bien sûr symbolique, mais, au moins, était-ce un premier geste de résistance face au joug de l’oppresseur !
Pichon, qui était parti bille en tête à la recherche de son instrument de tonte préféré, dut se rendre à l’évidence au bout d’une demi-heure d’investigations aussi vaines que fastidieuses ; la mécanique de précision avec laquelle il avait entretenu cette coupe en brosse parfaitement chirurgicale durant toutes ces années restait introuvable. Aucune trace de celle-ci, même dans les endroits saugrenus où elle finissait souvent par atterrir. Lui aurait-on volé ? À moins que… Mais oui, c’était évident ! Vu sa coupe de cheveux actuelle, il n’avait jamais dû acheter ce genre d’appareil dans cet univers-ci !
Pichon n’allait pas baisser les bras pour autant. Profitant de sa lancée, il revêtit sa parka beige, dévala les escaliers et se rua dans le premier BPODM venu (Bazar de Proximité Ouvert un Dimanche Matin). Celui dans lequel il entra était tenu par un sympathique ...
... Berbère, qui se fit un plaisir de lui vendre un modèle taïwanais de seconde main. Le Numide, qui se retenait d’éclater de rire, lui assura que l’engin était assez coriace pour effectuer la tonte saisonnière d’un mouton néo-zélandais, et, a fortiori, venir à bout de la tignasse d’un comptable ! Pichon n’en doutait pas, prenant même au sérieux les facéties du vendeur au vu des poils laineux encore accrochés à la grille de coupe…
Tout au long du trajet le ramenant chez lui, Pichon croisa le regard amusé des badauds. Il hâta le pas, tentant de se persuader qu’il ne s’agissait que d’un excès de paranoïa de sa part, bien naturel au vu des événements récents. Ce n’est qu’au moment d’accrocher sa gabardine sur son porte manteau très tendance (un horrible suspensoir de plastique mauve, acquis lors des dernières soldes du BHV) que Pichon remarqua enfin ce qui avait fait sourire les passants. Il venait de déambuler dans les rues alentours en pyjama à rayures et pantoufles fourrées…
Après avoir longtemps bataillé avec l’instrument poussif qu’on lui avait vendu – au mieux, un lointain cousin asthmatique de la fameuse « débroussailleuse à ovin » – Pichon se trouva à peu près correctement débarrassé de sa chevelure au look soixante-huitard. En fait, tout ce qu’il pouvait faire pour changer de tête était bon à prendre. Il était même prêt à orner d’un bouc ce menton effacé, pour travestir un peu plus son nouveau visage.
Il regardait son crâne lisse dans le miroir, heureux de s’être ...