1. Le voleur d'âmes


    Datte: 13/11/2019, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... vérifiés, authentifiés, rédiger le livre est un jeu d’enfants. Chaque chapitre est lu et analysé par mon client, au fur et à mesure que je les écris. S’il ne plaît pas, je recommence. J’avoue qu’on me demande rarement de recommencer…
    
    Liana cacha un sourire derrière sa tasse de café, qu’elle vida à son tour.
    
    – Je suppose qu’ensuite vous avez fini.
    
    – Non. Je dois passer un contrat avec la personne qui m’a commandé le livre, puis je dois envoyer ce livre à mon éditeur. Ce dernier accepte ou non de le publier.
    
    – Je croyais que vous aviez passé un contrat permanent avec votre maison d’édition, s’étonna Liana. Vous est-il déjà arrivé de voir un de vos manuscrits refusé ?
    
    Il ne fallut qu’une seconde à M. Tomaze pour répondre.
    
    – Non.
    
    Liana garda le silence une minute.
    
    – Vous parliez de la difficulté de vos tâches. Quelle est la plus difficile pour vous ?
    
    Il eut un sourire sans joie qui n’atteignit pas ses yeux.
    
    – Je ne pense pas que vous soyez apte à comprendre, déclara-t-il prudemment. Vous êtes encore si jeune…
    
    Elle lui lança un regard noir, qu’il soutint sans ciller.
    
    – Dites toujours, on verra bien si je suis apte ou pas, répliqua-t-elle d’une voix irritée.
    
    Il poussa un soupir qui se voulut léger, mais qui ne traduisit que son impatience.
    
    – Le plus difficile pour moi, c’est de laisser ce livre être publié. De savoir qu’il va être jugé par d’autres, compris ou incompris par d’autres. Que des gens vontpayer pour lire l’histoire d’une ...
    ... pauvre femme trompée ou d’un honnête pasteur de province. Et que ces gens ne paieront que pour se rassasier du spectacle des malheurs d’autrui, comme pour se soulager du grand poids qu’est leur existence sur leurs épaules. Comme des rapaces se ruant sur des êtres sans défense…
    
    – Je rêve ! s’exclama Liana avec indignation, sans se soucier des convenances. Non mais vraiment, vous vous payez ma tête !
    
    – Absolument pas. Le plus grand effort que j’ai à fournir, c’est de ne pas rédiger une préface mettant en garde mes lecteurs contre ces mauvaises d’intentions…
    
    – Si vous êtes tellement dégoûté par vos lecteurs, ces « rapaces » comme vous dites, et que vous avez pitié de vos « êtres sans défense », pourquoi vous acharnez-vous à les publier, ces bouquins ? Pourquoi faites-vous ce métier ? Vous me prenez pour une idiote ou quoi ? Seul l’argent vous intéresse, ne prétendez plus jamais le contraire ! Vous me faites marrer, vous et vos bonnes intentions, vos bons sentiments dégoulinant de vertu et de sagesse… Qui espérez-vous convaincre ? Quand on fait un métier tel que le vôtre, on n’a pas à se soucier de ce genre de considérations…
    
    Soudain, Liana se sentait tellement furieuse qu’elle n’avait pas eu conscience de déballer autant de phrases d’un seul coup. Tout était sorti d’un trait, par on ne savait quel culot, sans qu’elle songe seulement à atténuer l’impact de ses propos.
    
    M. Tomaze resta figé sur sa chaise.
    
    – Qu’entendez-vous par « un métier tel que le vôtre » ? ...
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