La danse de Salomé
Datte: 28/10/2019,
Catégories:
danser,
Voyeur / Exhib / Nudisme
poésie,
exercice,
historique,
historiqu,
Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe
... et sévère beauté fasciné, paraît à présent pétrifié. Éole une fois l’a trahie mais dorénavant elle entend la situation dominer et ne plus, fût-ce par les éléments, se faire berner. Tout en dansant elle défait l’agrafe qui maintient la seconde étoffe. Un élan prodigieux l’enlève et elle semble par les nues aspirée, quand à l’apogée de son essor elle étale l’aile bariolée, que la foudre illumine et qu’elle abandonne délibérément aux furies venteuses avant qu’à terre s’affaisser.
À l’exception des sistres, des flûtes, des tambourins qui l’escortent et de lointains et sourds grondements, l’apaisement désormais est complet.
Une brève minute, elle apparaît pantin désarticulé se disloquant en gestes extravagants qui affirment sa juvénile souplesse. Elle roule et glisse sur les ordures amoncelées, se vrille et s’entortille avant qu’une troisième pelure sur le sol déposer. Une impulsion la redresse et elle se balance, d’un pied chassant l’autre, comme si à l’attraction de la glèbe elle voulait encore et toujours échapper. Ce blême fantôme, nimbé d’éclairs, dont la violence et le nombre s’accroissent, qui exhibe son ensorcelante beauté doublée d’une émouvante fragilité, graduellement prend de la consistance. Dans le contre-jour des torchères, une créature légère et vaporeuse s’ébauche sous les derniers tulles, plus fins et transparents tandis que du tabernacle des chairs ils approchent. On discerne le corps gracile et délicat qui les sous-tend et les anime, la peau ivoirine et ...
... subtilement duvetée, frissonnante d’ardente fièvre sous leur illusoire protection. Une silhouette nubile s’esquisse, déjà harmonieuse, magnifique et élancée, ferme et fuselée, délicieusement proportionnée, presque de femme à l’orée d’une divine plénitude. On pressent l’épanouissement imminent de ce sublime bourgeon de sève vitale gorgé bien qu’encore sur lui-même refermé. Dans cette ambiance irréelle, un silence fracassant s’est établi.
Les musiciens ne jouent qu’en sourdine et il n’est, jusqu’à l’orage, qui ne retienne ses tonnantes bordées. Plus que quiconque Salomé s’en trouve assourdie. Elle, qui avait supporté sans broncher et sans l’entendre le tollé des invectives, appréhende la lugubre menace en ce muet vacarme celée et en est présentement toute ébranlée. Éméchés comme ils le sont, en les contraignant à suivre d’un regard par les éclats de la foudre déjà éblouis sa bondissante équipée, elle a dû les hébéter, mais le mutisme soudain, qui pétrifie l’odieuse assemblée, lui reflète son charme captivant, lui divulgue le funeste sortilège de sa beauté. Jamais pourtant elle ne s’est sentie belle. Certes, elle s’était parfois émue lorsque dans l’intimité de sa chambre, elle émergeait de son bain n’osant qu’à peine pudiquement épier le galbe pâle de sa troublante nudité, habillée des seules perles de buée sur le miroir déposées. Jamais non plus, elle n’avait conçu que cette forme éthérée, dont elle doutait qu’elle fut sienne, et pour laquelle d’un désir confus elle s’était ...