Si tu veux, tu sais où me trouver
Datte: 26/10/2019,
Catégories:
fh,
nonéro,
mélo,
amourdram,
regrets,
Auteur: Vince et Lise-Elise, Source: Revebebe
... le brûlait pourtant.
Autour de lui, les clients parlaient fort, sans ordre particulier, l’un coupant l’autre, qui le coupait en retour. Ils fumaient et buvaient dans un concert de paroles dont Jérémy ne captait pas le sens. Il se sentit seul, exclu de la vie qui se déroulait devant lui, dans les volutes animées de ces amitiés de comptoir. Il déposa sa veste sur le dossier d’une chaise et réajusta encore une fois le col de sa chemise qui lui donnait une allure sérieuse. Une chemise sobre, disparaissant dans ses plus beaux pantalons, et sa veste d’homme arrivé, celle avec laquelle il avait vendu les véhicules les plus chers. Il avait hésité à revêtir ce cuir élimé qui faisait partie de lui, qui faisait partie d’eux, de cette nuit-là, mais il préférait plaider sa cause sous d’autres atours ; au dernier moment, il l’avait laissé dans sa voiture et s’était déguisé en ce vendeur qu’il était devenu.
Se donner une contenance, faire comme si. Jérémy retomba vite dans ses travers et décida de paraître détaché, simplement là parce qu’on lui avait demandé de venir. Il avisa une table de billard libre et plaça les billes dans le triangle. Il affichait un air concentré, sûr de lui, presque hautain. Propre sur lui, lavé de ses remords par des habits qui ne le reflétaient pas. Il cassa l’assemblage de billes, en éjectant une vers une poche, dans un bruit sourd. Autour de lui, la salle continuait à vivre comme s’il n’avait pas existé. Cela faisait bien dix minutes qu’il avait sonné et ...
... Stéphanie n’était pas encore là. Allait-elle seulement venir ? Son cœur se mit à battre très fort, ses joues se tintèrent de rouge, alors que le feu dévorait le reste de sûreté qu’il affichait encore. Stéph’…
Soudain, d’un geste presque brusque, il posa la queue de billard sur la table et abandonna sa partie contre lui-même. Après avoir saisi sa veste, il se précipita vers la sortie, en faisant au passage un signe au barman qui lui répondit par l’affirmative. Dehors, il se mit à courir et fonça vers sa voiture, garée une rue plus loin. Il manqua se faire écraser en traversant et évita de justesse le véhicule dont le klaxon lui rappela le danger qu’il venait de croiser. Les phares. Le klaxon. Il ne manquait que la pluie. Jérémy ouvrit sa portière et lança sa veste dans l’habitacle, plutôt qu’il ne la posa. Sur le siège arrière s’étendait le cuir de son passé, suranné, éloquent. Avec une dernière hésitation, il se saisit de cette veste qu’il portait alors et la passa. Il ressentit un trouble certain, puisqu’il n’avait plus ressenti cette sensation depuis plus de dix ans. Il revint en courant vers le bar, juste à temps pour reprendre sa partie : elle n’était pas encore arrivée.
Essoufflé, agité, perturbé, le cœur tourmenté par la course et par l’angoisse, Jérémy reprit son jeu dérisoire. Il avait l’air affairé, précis dans ses gestes, rien n’indiquait le vide qui le remplissait. La cinq, dans la poche opposée, un grand bruit, sec. Il donnait l’impression d’avoir une emprise ...