Si tu veux, tu sais où me trouver
Datte: 26/10/2019,
Catégories:
fh,
nonéro,
mélo,
amourdram,
regrets,
Auteur: Vince et Lise-Elise, Source: Revebebe
... devancer.
Steph
oooOOOooo
Petit, c’est ça. Trop petit. Et toi trop grande, mon appart aussi. Ma vie inversée : minuscule dans tout ce que j’ai. Oublié d’être, pour paraître. Quel con !
Déjà trois fois que je relis ta lettre. Steph… La jolie Steph qui n’en finissait pas de m’aimer, quand c’était pas le moment. Pff… quand c’était pas l’moment… Et c’est quand, le moment d’aimer ? Pas à cette époque-là, c’était trop tôt, t’étais trop ci, pas assez ça, et moi décidément trop con. Manifestement trop bouché. Cette lettre, là, c’est pas une coïncidence. Le hasard, tu parles ! Steph, tu m’écris alors que je viens de te croiser. Dans mes souvenirs et dans mes rêves. Et au bord de ce canal, l’autre jour. Toi, tu m’écris, la bouche pleine de rancœur, de haine et de mépris. Non, c’est pas incompatible. Tu m’aimes encore et tu te méprises de ne pouvoir lutter : alors tu me hais. Et franchement, y a de quoi.
Par où commencer… Si ça n’avait pas été elle, ç’aurait été une autre, ailleurs, plus salement, irrémédiablement. Tôt ou tard j’aurais déconné, j’ai toujours foiré ce genre de trucs. Dix ans déjà ? Autant, t’es sûre ? Dans mon souvenir, c’était hier. Comme quoi je suis pas très fier.
Jérémy se flagellait, attablé devant une mousse qui ne diminuait pas. Près du verre, une enveloppe, et dans l’enveloppe, des bribes de leur histoire. Sur son bloc, il tentait de répondre à ce coup de poing qu’il venait de relire. Les mots s’entrechoquaient, luttaient et se refusaient. ...
... Non, il ne pouvait pas lui répondre ça, pas comme ça.
Une nouvelle feuille froissée. La quatrième. Et une nouvelle gorgée de bière. Jérémy n’avait jamais bu aussi lentement.
Sa vie était partie en vrille, il en prenait lentement conscience depuis cet autre matin, quelques mois auparavant, alors qu’il s’était réveillé entre deux nanas sans nom levées au hasard d’une cuite de plus, pour quelques soucis en moins. La gueule enfarinée, les idées sombres et la bouche pâteuse, c’était le froid qui l’avait tiré de ce sommeil imposé par l’alcool. Dehors, il pleuvait. Il avait chassé un à un les bras de ces demoiselles aux corps sculptés pour s’extirper de son lit et rejoindre la fenêtre. Le vent lui avait claqué le visage. Ses cheveux mi-longs s’étaient mis à danser devant ses yeux, lui montrant une réalité grise et virevoltante sous une averse d’automne. « Déjà dix heures » avait-il remarqué, en passant sa main sur son menton rugueux de quelques jours sans rasage.
Sa chambre ressemblait à un champ de courses, avec bar à champagne. Des cadavres de bouteilles, une flûte renversée sur la moquette, un string sur une chaise, des habits par-ci par-là, sa veste. Il se souvenait l’avoir lancée là en entrant, titubant avec les deux filles, riant à rien, riant de tout, oubliant un instant qu’il ne trouvait rien de drôle à tout ça. Dans sa tête, la fin de la nuit s’était redessinée petit à petit. Il avait revu les deux jeunes femmes collées à lui, soudées ensemble dans un baiser torride, ...