1. Anna


    Datte: 17/10/2019, Catégories: prost, policier, Auteur: Freezrick, Source: Revebebe

    Sur les boulevards, le va-et-vient des premiers passants se fait sentir. Il pleut. Des lève-tôt ont pris soin de se munir de parapluies, les couche-tard sont mouillés. Quelques gars traînent, la ville est pleine de clodos. Le maire parle de réinsertion, ça reste des laissés-pour-compte que le gouvernement oublie. Moi, je n’oublie jamais. Un travail se termine toujours.
    
    Il est maintenant six heures moins le quart, la voiture souffre du froid autant que moi. La radio m’a épuisé avec ses talk-shows pour dépressifs. La buée couvre toutes les vitres et le chauffage craque. Un passant s’arrête à ma hauteur et frappe à la fenêtre. Je l’ignore et il repart après sa troisième tentative. Je termine de préparer mes affaires et décide de sortir me dégourdir les jambes. Ça fait deux heures que je l’attends et je préfère attendre maintenant le patient sous un porche.
    
    Vers six heures et demie, enfin, je le vois qui traverse la rue, il se dirige vers le 37. Accompagné. Il n’est pas difficile de comprendre que sa nuit fut plus chaude que la mienne. Il titube un peu et reste souvent accoudé au mur pour ne pas trébucher. La jeune fille à ses côtés ne doit pas avoir plus de 22 ans. Une mine défaite, symbole de jeunesse actuelle, elle porte une longue veste en cuir et des bottes rouges.
    
    Ils se traînent péniblement vers l’immeuble et franchissent la porte d’entrée. Je monte derrière eux. Ils parlent bruyamment, se sentent le centre du monde et mon client parle de ce qu’il va lui ...
    ... faire une fois allongés. Ils ne m’entendent pas, mes pas sont légers et couverts par leurs cris et hurlements. Ils arrivent enfin à son étage, le troisième. Il ouvre la porte, non pas sans avoir cherché ses clefs quelques instants et pénètre dans l’appartement, la fille hésite, mais il lui prend la main, et la convainc de rentrer. Ils ne ferment pas la porte, elle reste entrouverte. Du palier, je les entends s’embrasser et se déshabiller dans le couloir.
    
    J’attends, et me décide également à entrer. Doucement, je pousse la porte et viens m’agenouiller près d’un pot de fleurs. Encore quelques instants, j’entends un bruit sourd, l’un d’eux est tombé. Puis un bruit de ronflement, je peux y aller…
    
    Je traverse rapidement le long couloir qui mène du salon vers les chambres et vois enfin la porte d’où venaient les bruits. La chambre à coucher, la lumière est toujours allumée. J’entrouvre plus encore la porte, je découvre la fillette endormie sur le lit, et mon amant d’un soir affalé sur le sol. Lui d’abord, je vise la nuque, un coup. Puis la fille, un coup. C’est dommage, elle était mignonne.
    
    Andrea Avares, dit le Duc, né le 12 mars 1961, marié, deux enfants. Ce que la fiche disait. Mort, aujourd’hui.
    
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    Mon travail ne donne envie à personne. Tout le monde le connaît, un des plus vieux métiers du monde, mais personne n’y prête attention, pensant qu’ils sont à l’abri, que je ne les aurais jamais comme patients. Aujourd’hui encore, après douze années d’exercice, je ...
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