1. Destination NP


    Datte: 16/10/2019, Catégories: fh, hplusag, inconnu, train, intermast, pénétratio, fantastiqu, initfh, Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe

    ... ne saurait où aller. La police du culte le retrouverait. Juste reculer pour mieux sauter.
    
    Il attendit. Monter dans ce train le glaçait. Il observa avec tristesse l’arrivée précipitée d’un jeune homme tenant une enfant par la main, sa fille probablement. Complètement paumé, ne sachant trop où aller, le père jetait des regards affolés. Le chef de train, compatissant, après avoir contrôlé leurs billets, leur indiqua une voiture de seconde. Le dernier passager, un vieillard perclus de rhumatismes, fut hissé dans une voiture de troisième classe par un employé en uniforme.
    
    Sous l’œil réprobateur du contrôleur, Georgess embarqua enfin. Un wagon à compartiments. Il pourrait sans doute en trouver un inoccupé. Il avait choisi ce wagon car peu de monde y était monté. Il longea le couloir. Il avait vu juste : plusieurs personnes dans les deux premiers, une dans le troisième mais aucune dans le quatrième.
    
    Il s’y engouffra et tira la porte derrière lui. Miracle, le chauffage marchait. Il retira sa parka. Sans allumer les néons intérieurs, il s’affala sur la banquette, posant sa petite valise à côté de lui. Le claquement des portières qui se fermaient. Un double coup de sifflet. Celui aigu, du chef de train ; celui tonitruant de la loco. Un fourreau de fumée blanchâtre gaina le wagon. Le train frémit, s’ébranla. Georgess colla son visage contre la vitre. Le convoi traversait la Ville. Aux lueurs pisseuses de l’éclairage public, la Ville s’exposait une dernière fois à ses yeux, à ...
    ... leurs yeux. Georgess se gavait d’images : les grands buildings, le Fleuve encombré de péniches, le flot des phares sur les grandes avenues, la tour des Flandres…
    
    Il revivait l’ascension des 1548 marches de la tour des Flandres, les chevilles nues de sa cousine qui grimpait devant lui. Il avait 15 ans, l’avenir lui appartenait. Puis tout avait basculé. Plongé dans ses souvenirs, il réagit à retardement à l’ouverture de la porte. Quand il leva les yeux, elle se tenait dans l’embrasure. La jeune femme qu’il avait repérée sur le quai. Sombre silhouette occultant les lumières du couloir.
    
    — Je peux ?
    
    Tout en lui criait « non », « casse-toi ». Il voulait rester seul. Mais 40 ans de bonne éducation, de politesse lui firent répondre :
    
    — Mais oui, bien sûr.
    
    Et il détourna aussitôt son regard vers l’extérieur, coupant toute tentative de conversation. Il entendit vaguement qu’elle s’asseyait sur l’autre banquette. Absorbé dans sa contemplation, il l’oublia. Le convoi atteignait la banlieue, ses hautes barres grises, ses rues livrées aux gangs dès la tombée de la nuit, ses carcasses de voitures abandonnées, ses no man’s land. De pisseuse, la lumière devenait inexistante. Les ampoules des réverbères n’avaient pas résisté aux caillassages. Un ultime complexe industriel, avec ses miradors et ses projecteurs. Les chiens d’assaut qui sautaient contre les barbelés au passage du train. Puis le noir.
    
    Seuls le staccato des boggies sur les rails, les halètements de la locomotive ...
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