1. Destination NP


    Datte: 16/10/2019, Catégories: fh, hplusag, inconnu, train, intermast, pénétratio, fantastiqu, initfh, Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe

    Une triste nuit de novembre enveloppait la Ville. Des nuées de brume, se mêlant aux vapeurs d’échappement, plombaient une atmosphère déjà saturée. Ballet de silhouettes pressées sous la lumière glauque des réverbères. Emmitouflées sous plusieurs couches de vêtements, débouchant des rues adjacentes, émergeant de la station de métro, elles traversaient la place et se dirigeaient en un flot uniforme vers la gare centrale.
    
    Georgess, sa petite valise à la main, se faufilait dans cette foule de fourmis atones. Il se dirigea vers l’entrée « grandes lignes », se frayant un chemin à travers le flot compact des travailleurs indifférents, exténués qui regagnaient leurs clapiers suburbains. La chance, ou plutôt sa grand-mère, lui avait épargné cette cohue, ces trajets quotidiens : elle lui avait légué un appartement en plein cœur de la Ville. Avant son départ, n’ayant aucun héritier direct, il avait dû signer un formulaire de renoncement en faveur du ministère du logement. Le produit de la vente, après dégrèvement de l’impôt (très lourd) sur les plus-values lui serait viré sur son nouveau compte, lui avait-on affirmé. Il n’y croyait guère.
    
    Arrivé dans le hall « grandes lignes », la foule s’éclaircit. Les voyages d’agrément en train se faisaient rares. Ceux qui avaient encore les moyens et les possibilités de partir en vacances utilisaient les zeppelins ou autres transports aériens. La populace et les classes moyennes, depuis peu, devaient se satisfaire des camps de détente ...
    ... intra-muros.
    
    Lorsqu’il descendit dans le couloir signalé « Destination NP. », plus aucun signe de vie. Le bruit et l’agitation qui animaient la gare semblaient s’être arrêtés à l’entrée de ce long passage souterrain aux couleurs défraîchies. Il le parcourut sans hâte, sans croiser âme qui vive.
    
    Au bout du couloir, un composteur à la peinture écaillée. Son ticket validé, il grimpa les neuf marches qui le conduisirent sur le quai quasiment désert et chichement éclairé. Une seule voie terminée par un heurtoir. Le plafond bas en ovale, l’absence de toute décoration sur les parois bétonnées en auraient oppressé plus d’un. Mais Georgess vivait dans cette grisaille depuis trop longtemps.
    
    Il était en avance. Il était toujours en avance, il détestait être en retard. Il préférait attendre. Chaque fois qu’il devait se rendre quelque part avec une contrainte horaire, il prévoyait tous les impondérables possibles et en tenait compte dans son temps de parcours. Aujourd’hui, son trajet s’était déroulé sans anicroche. Pas de panne d’électricité, pas de tentative de suicide, pas même le plus petit contrôle de la police des cultes, ni la plus petite agression. Le métro avait respecté son horaire. Son train ne partirait pas avant une bonne demi-heure.
    
    Seule, une vieille dame l’avait précédé. Assise sur un banc, jambes serrées, elle pressait nerveusement son sac sur sa poitrine. Tête baissée, elle en tripotait nerveusement les lanières. Probable septuagénaire, son corps décharné flottait ...
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