1. Le mystère du delta suivi de Rayon de lune


    Datte: 26/12/2025, Catégories: #confession, Auteur: Landeline-Rose Redinger, Source: Revebebe

    ... livres, dis-je à Louis, Philip Roth fait dire à une de ses maîtresses : ma mère m’a appris à croiser les jambes sans montrer mon con. Voilà peut-être où remonte la source d’une éducation séculaire et contre ces siècles de pratique que peut donc votre œil trop inapte à lever le mystère.
    — J’en conviens, fait-il, mais non, je crois, Landie, que lever le mystère, accéder à la révélation n’est d’aucune manière notre vœu, notre grand projet. Le cultiver en revanche est notre raison majeure d’aimer la vie.
    — Oh ! comme tu y vas, dis-je avec ironie.
    — Je sais, reprit-il, je sais qu’il est des sujets majeurs, mais entretenir avec constance ceux qui ne sont que mineurs et futiles est aussi une partie de la vie à vivre. Comprends-tu ?
    
    Si je comprenais, moi qui donnais dans l’impermanence du corps à paraître, à se laisser voir, à lâcher prise autant que je pouvais le voiler et le masquer.
    
    — Mais, lui dis-je, si comme je le fais – ô si peu souvent – je laisse culottes en dentelles et strings dans leur tiroir, boy-shorts et tangas dans leur demi-coquille, que là, sous ma jupe, sous ma robe, le petit air glacé ou doux vient lutiner le delta, suis-je alors de celles qui ôtent au mystère sa saveur ?
    
    Mais Louis ne m’écoutait plus…
    
    — Si je pouvais militer pour une cause frivole, mon combat serait pour la petite culotte de coton blanc, pur coton !
    
    Et Louis de rire de cette petite révélation qu’il me faisait, tandis qu’un homme d’âge à quelques tables de là observait la ...
    ... croisée de mes jambes, attendant sans doute que se joue devant son regard posé le Mystère du Delta.
    
    Parfois, j’y reviens. Souvent le printemps m’y engage. C’est un jour où dehors rien ne m’appelle, c’est un jour où l’espace de ma demeure est le monde qui m’apparaît à la fois commun et dont la découverte ne me lasse pas. Ici le patio sans être un mouchoir de poche n’est pas un parc. Non, j’aime à la fois le champ de liberté qu’il offre à la vue et aussi au-delà des murs de verdure, le puits de soleil qu’il capte comme un bain de lumière quand le printemps donne le meilleur de lui-même. Je peux m’y promener comme je le fais parfois, peu vêtue, nue le soir. Sachant qu’ajouter à ce délice, l’idée même d’être observée du seul vis-à-vis que ma demeure offre est à mes yeux une valeur ajoutée à la configuration même de la bâtisse. Je suis heureuse qu’elle soit enclose. Le deviner ce regard qui s’échine à la dissimulation ajoute à mon plaisir.
    
    J’ai longtemps souhaité, jeune femme pubère, qu’on ne voie pas mon corps. Puis, observant celui que ma mère laissait aisément au regard, j’ai imité, imité sans déplaisir, puis sans gêne, puis avec besoin, et le plaisir a pris la place qui lui revenait. Mon corps s’est formé, il s’est installé, ma poitrine est celle qui plaît aux hommes, aux regards aux mains, aux lèvres.
    
    Alors, déambulant dans la verdure, je laisse au soir, à la nuit, la résonance de mes talons, comme l’appel d’un oiseau de nuit.
    
    Parfois, laissant ma main longer les tissus ...