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L'homme aux Deux Pieds
Datte: 25/12/2025, Catégories: #poésie, #exercice, #réflexion, #philosophie, #nonérotique, #nostalgie, #personnages, Auteur: L'artiste, Source: Revebebe
... méditation. Plus loin, une vieille dame qui peinait à porter ses courses lui lança un regard implorant. Il s’approcha sans se presser et lui demanda : — Vous avez besoin d’aide ? — Oh oui, mon garçon, merci beaucoup ! Il saisit son sac et, à son rythme, l’accompagna. Après quelques mètres, elle le dévisagea avec une certaine exaspération. — Euh… On pourrait peut-être accélérer un peu ? — J’ai tout mon temps, répondit-il en souriant. Elle le regarda, perplexe, mais résignée. Enfin réapprovisionné, il revint chez lui et découvrit une lettre sur le seuil de sa porte. Il l’ouvrit sans empressement : un avis d’expulsion, avec une date butoir sous quelques jours. Il relut le papier sans réelle émotion, puis s’avachit sur son canapé et observa son appartement en silence. Les murs blancs, des fringues éparpillées au sol, la pile de vaisselle jamais lavée. Et si tout cela n’était pas une perte, mais une libération ? Il attrapa son sac à dos, y fourra quelques vêtements, une pomme et son carnet de notes. Il tomba sur une culotte rose fluo à cœurs oubliée par Sophie, et la roula entre ses doigts. Sophie l’exaspérait souvent, mais elle avait ce talent rare : celui de faire vibrer son silence sans même parler. Il hésita un instant à embarquer ce sous-vêtement comme porte-bonheur – elle lui rappelait vaguement une nuit où, contre toute attente, il s’était un peu investi.« Un jour, tu trouveras une raison de te lever », lui avait-elle dit en l’embrassant ...
... sur le front.« J’espère juste que ce ne sera pas quand je serai déjà partie. » Il était persuadé qu’elle bluffait. Avec ce bout de tissu, il emporterait au moins avec lui quelques souvenirs. Il jeta un dernier regard à son plafond si familier, puis sortit sans refermer derrière lui. Adrien marcha, sans but, laissant ses deux pieds choisir la direction à sa place. Il traversa des rues qu’il ne connaissait pas, longea des vitrines sans y faire attention, croisa des passants pressés qui ne le voyaient pas. Alors que le soleil se couchait, il s’arrêta devant un banc, dans un petit square à peine éclairé. Il s’y assit, posa son sac à côté de lui, et leva les yeux vers le ciel, rouge-feu. La ville ronronnait, indifférente à sa présence. Dans la poche de son pantalon, il sentit le tissu doux de la culotte rose à cœurs. Il la sortit, la porta à son nez et inspira profondément, puis la coinça dans un pli de son bagage, comme un symbole de son errance. Un chat surgit d’un buisson, à quelques mètres, et le fixa sans ciller. — Toi non plus, t’as nulle part où aller ? murmura Adrien, compatissant. La boule de poils cligna des yeux et s’étira, visiblement peu pressée de répondre. Alors, Adrien s’allongea sur le banc, les mains croisées derrière la tête. Bercé par la lenteur nocturne, il sourit béatement, sans raison particulière. Peut-être qu’il dormirait ici. Peut-être repartirait-il au matin. Il avait tout le temps. Et pour la première fois, cela lui sembla ...