1. L'homme aux Deux Pieds


    Datte: 25/12/2025, Catégories: #poésie, #exercice, #réflexion, #philosophie, #nonérotique, #nostalgie, #personnages, Auteur: L'artiste, Source: Revebebe

    ... chef m’a appelée ? Il voulait savoir si tu étais en vie ! EN VIE, Adrien !
    
    Il cligna des yeux, acquiesçant silencieusement. Mais rien ne pressait.
    
    — Tu ne peux pas continuer comme ça ! Tout le monde bosse, se bat, avance ! Toi, tu fixes ton plafond !
    
    Leurs engueulades matinales se transformaient parfois en préliminaires, mais, ce matin-là, Adrien ne se sentait pas d’humeur à honorer ce vieux rituel amoureux.
    
    — C’est un beau plafond, dit-il enfin, lentement.
    
    La jeune femme écarquilla les yeux comme si elle venait de découvrir l’étendue abyssale de son désespoir. Elle poussa un cri étouffé et sortit de la pièce, claquant la porte derrière elle.
    
    Le calme revint immédiatement. Il aurait pu se lever. Il aurait pu courir après elle, s’excuser, la rassurer. Mais pour quoi faire ? Les choses suivaient leur cours, inévitablement.
    
    Son téléphone sonna à nouveau, il ouvrit le mail entrant. Un message lapidaire de son entreprise :
    
    Il haussa les épaules et le marqua comme « lu ». L’emploi n’avait jamais été son moteur. Le loyer était un concept flottant, un problème de fin de mois qu’il réglait vaguement, quand il y pensait. Adrien posa son téléphone. Il le fixa un instant pour y chercher la confirmation que tout cela n’avait aucune importance. Son ventre, lui, en décida autrement.
    
    Il se leva enfin, plus par nécessité que par envie, et découvrit que son frigo était vide. Là se produisit quelque chose d’inhabituel : une forme de désagrément, une faille dans son ...
    ... flegme traditionnel. Il fallait sortir. Il enfila un pantalon – une victoire en soi – et marcha mollement vers l’épicerie du coin. L’air du matin s’engouffra dans sa chemise ouverte, un souffle tiède mêlé d’odeurs de boulangerie et de bitume humide.
    
    La ville était en effervescence. Les voitures klaxonnaient, les personnes se croisaient sans un regard, les enseignes clignotaient. Tout s’activait effrénément autour de lui, lui procurant presque une sensation de vertige. Un agent municipal s’affairait à repeindre un passage piéton, ses gestes précis découpaient des lignes nettes sur l’asphalte qui, demain, guiderait des centaines de pas pressés. Adrien, lui, observait avec la curiosité tranquille d’un touriste sur une planète inconnue.
    
    L’agent leva les yeux vers lui.
    
    — Un problème, monsieur ?
    — Non, répondit Adrien, nonchalamment. C’est juste beau, le mouvement.
    
    L’homme le fixa avec suspicion et se remit à sa tâche. Adrien reprit son chemin, ravi d’avoir trouvé un peu de poésie dans sa journée.
    
    Un peu plus loin, il s’arrêta devant une boulangerie où un chat endormi trônait sur le comptoir, impassible face aux allées et venues des clients. Il resta un moment à le scruter. Peut-être ce chat détenait-il le secret de l’existence.
    
    — Vous désirez quelque chose ? se renseigna la commerçante, visiblement peu habituée aux contemplatifs.
    — Non, je prends juste une leçon de vie, murmura-t-il en désignant l’animal.
    
    Elle soupira imperceptiblement avant de le laisser à sa ...