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L'homme aux Deux Pieds
Datte: 25/12/2025, Catégories: #poésie, #exercice, #réflexion, #philosophie, #nonérotique, #nostalgie, #personnages, Auteur: L'artiste, Source: Revebebe
L’alarme sonna une première fois. Puis une deuxième. Enfin une troisième, mais rien ne se passa. Pas un froncement de sourcils. Étendu dans son lit en friche, Adrien observait le plafond avec cette intensité propre aux gens qui, paradoxalement, n’avaient aucune intention de se lever. Il était si immobile que même sa plante verte avait renoncé à lui réclamer de l’eau. Il soupira. Longtemps. Après tout, chacun son rythme. Puis il tourna la tête vers le radio-réveil qui affichait 8 h 43 en lettres rouges. Un détail important, probablement, mais pas pour lui. Quelqu’un, quelque part, devait s’inquiéter de son retard. Une collègue ? Un patron ? Peut-être une femme aimante et exaspérée. L’idée lui traversa l’esprit comme une brise tiède avant de disparaître aussitôt, sans faire de vagues. Sous les draps froissés, son corps hésitait entre l’envie de se rendormir et celle d’improviser une caresse matinale, juste pour se rappeler qu’il existait. Son regard dériva vers la fenêtre entrouverte. Dehors, la ville bourdonnait déjà de son agitation quotidienne. Les klaxons piaillaient, les pas résonnaient sur le trottoir, les vélos slalomaient entre les bus. Adrien, lui, ne bougea pas d’un millimètre. Il se frotta la joue du bout des doigts et constata avec une certaine satisfaction qu’une barbe d’une semaine avait pris ses aises sur son visage. Comme un champ laissé en jachère. Il était un homme à deux pieds, et deux pieds seulement. Deux pieds qui refusaient obstinément de ...
... toucher le sol ce matin-là, comme tant d’autres avant. Ce n’était pas de la paresse, non. Juste une philosophie bien ancrée. Pourquoi se presser quand on pouvait faire les choses lentement ? Pourquoi faire les choses lentement quand on pouvait ne pas les faire du tout ? Quelqu’un tambourina soudain à la porte. Deux coups brefs, puis d’autres, plus insistants. Une voix agacée s’éleva : — Adrien ! T’es réveillé ? Il soupira de plus belle. Ses paupières se refermèrent tandis qu’un sourire satisfait étirait ses lèvres. Non, il n’était pas réveillé. Il ne le serait que lorsque son corps en aurait décidé ainsi. Peut-être dans cinq minutes. Peut-être jamais. Il ne bougea pas d’un iota quand son téléphone vibra sur la table de chevet, émettant une série de brefs soubresauts insistants. Il laissa l’appareil s’épuiser seul, tout comme le monde extérieur se heurtait à son indifférence. Il se doutait qui appelait. Probablement son chef, excédé par son absence. La porte de son appartement s’ouvrit avec fracas. Sophie avait cette manière dramatique d’entrer comme un ouragan, transformant immédiatement son espace paisible en un champ de tensions inutiles. — Adrien ! s’écria-t-elle en claquant son sac sur la table meublant le studio. Il faut qu’on parle ! Il ne répondit pas. Pas encore. Il avait ses propres temporalités, ses propres respirations. Mais Sophie n’était pas du genre à attendre patiemment. Elle s’approcha du lit en furie. — Tu te rends compte que ton ...