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Spectre
Datte: 02/12/2025, Catégories: A dormir debout, Auteur: CDuvert, Source: Hds
... traversa l'esprit, une pensée paniquée qui la fit presque courir vers sa voiture. Mais quelque chose la retint. Pas seulement la curiosité de l'historienne. C'était autre chose. Une fascination malsaine. Une attirance pour cette haine pure, cette violence invisible qui la ciblait, elle. Personne ne lui avait jamais porté une telle attention. C'est dans la bibliothèque, une pièce dont l'air était si épais de poussière et de savoir oublié qu'il semblait pouvoir être mâché, qu'elle trouva le journal. Un petit carnet de cuir élimé, celui d'un valet de chambre de la fin du XIXe siècle. Les pages jaunies racontaient avec une écriture effrayée la vie à Blackwood. Et surtout, elles parlaient du maître. Lord Alistair Blackwood. Le portrait était sans appel. Un homme d'une beauté cruelle et d'appétits monstrueux. Un libertin qui ne connaissait aucune limite, dont les orgies faisaient le scandale de toute la région. Le journal décrivait des jeunes femmes, servantes ou filles du village, entrant dans sa chambre pour n'en ressortir que des heures plus tard, le regard vide ou en larmes. Il y était question de fouets, de chaînes, de plaisirs étranges et douloureux. L'histoire se terminait par son meurtre. Égorgé dans son propre lit par une maîtresse qu'il avait humiliée une fois de trop. Son corps, disait la rumeur, n'avait jamais été retrouvé. Mais son esprit, consumé par une rage inextinguible et une frustration éternelle, était resté. Ce soir-là, Elara lisait ces lignes à ...
... la lumière d'une seule bougie, le silence du manoir pesant sur ses épaules. La flamme vacilla, dansa, puis s'éteignit d'un coup, comme soufflée par une bouche invisible. L'obscurité fut totale, absolue. Un linceul noir. « Pars. » La voix n'a pas résonné dans la pièce. Elle a explosé dans son crâne. Nette. Froide. Impérieuse. Une pensée qui n'était pas la sienne, une intrusion mentale d'une violence inouïe. La peur était un nœud de glace dans ses entrailles. Elle aurait dû hurler, fuir à toutes jambes. Mais à travers la terreur, une nouvelle sensation vibrait, chaude et électrique. Une excitation pure. Le défi. « Je ne partirai pas », murmura-t-elle dans le noir, sa propre voix tremblante mais ferme. Un long silence s'installa. Puis un rire éclata, non pas dans sa tête, mais partout autour d'elle, semblant émaner des murs, du plancher, du plafond. Un rire sans joie, un ricanement plein d'un mépris glacial et de sombres promesses. Le jeu venait de commencer. Il avait accepté sa mise. La terreur se mua en une routine perverse. Alistair ne cherchait plus à la chasser. Il jouait. Il l'observait. Elle sentait son regard invisible sur elle, constamment. Le soir, quand elle prenait son bain dans la grande baignoire sur pieds, l'eau tiède devenait soudain glaciale au moment précis où elle savonnait sa poitrine. Quand elle se déshabillait pour la nuit, une froideur particulière parcourait sa peau nue, comme si une main d'hiver traçait les contours de son corps. Ses ...