L'augure - Histoires de Sexe

L'augure

... hoquet de surprise. Elle toise un instant Sophie et me lance, ses petits yeux myopes tout rieurs derrière les verres épais :

— Rien que ça ! Ouais, on pouvait s’y attendre ! Pour Léonie je peux pas dire, mais pour moi, eh bien… faut voir. Disons que c’est envisageable. On vient quand ?

J’en suis resté bouche bée. Une fois Rachel partie avec son rendez-vous, Sophie a hoché la tête avec un petit sourire contrit :

— Pour qui tu prends les femmes Albert ? L’audace, l’aplomb, le risque, ça nous connaît tu sais, même si ce n’est pas pour faire des conneries à moto ! Abaisse tes défenses, laisse-nous rentrer dans ta sphère et tu verras, on n’a pas fini de te surprendre.

Au bout du compte on a eu du mal à se quitter mais à la fin, Sophie s’est levée pour partir.

— Allons, les meilleures choses ont une fin.
— Toujours aucune chance avec toi ?
— Aucune ! Surtout maintenant que la petite Rachel va se payer tes services avec ses bonnes grosses fesses ! Et je parierais que Léonie ne va pas y couper. Surtout si elle n’attend que ça…
— Oh, Sophie, qu’est-ce que tu racontes ?
— Albert, tu veux que je te dise ? Tu es l’innocence personnifiée ! En même temps tu es un mec dangereux. Faut pas s’approcher de toi en fait ! Tu ne sais même pas que tu as des dents, mais on serait vite ...

... mordue…

Au contraire elle s’approche et dépose un baiser appuyé sur ma tempe en me soufflant :

— Sois gentil avec elles, ce sont de bonnes filles, je le sais. Allez, prends bien soin de toi. Et pense à moi de temps en temps. J’ai beaucoup aimé notre petite séance. Ne m’oublie pas.

Ça sentait fort son adieu. Bizarre… Inquiétant même !

À l’époque j’ai commencé à franchement me demander dans quoi elle avait pu s’embarquer.

J’ai fini par l’apprendre bien plus tard, en recevant une invitation pour une cérémonie au Puy-en-Velay. Après quelques années de noviciat et un doctorat en droit canon, Sophie allait prononcer ses vœux à la cathédrale. Léonie et moi on s’est débrouillé pour y aller avec notre bébé, qui a des oreilles bien collées, comme sa maman.

Nous tenions à l’honorer et à l’assurer de notre amitié. Moi je voulais aussi lui faire sentir ma gratitude, en souvenir d’une soirée mémorable où elle m’avait forcé à sortir de ma tranchée. Mais je me suis longuement interrogé. En effet je savais qu’elle n’avait rien d’une mite de sacristie. C’était tout sauf une oie blanche qui entrait dans les ordres ! Donc elle le faisait en connaissance de cause et en ayant goûté à la vie à laquelle elle renonçait.

C’est pourquoi, je l’avoue, son choix et sa détermination m’ont terrifié.