Depuis la veille
Datte: 01/09/2019,
Catégories:
fh,
fplusag,
froid,
hotel,
amour,
fsodo,
exercice,
Auteur: Séraphin, Source: Revebebe
Depuis la veille, les déneigeuses et autres saleuses se sont activées à rendre les routes praticables et leur incessant ballet commence à porter ses fruits. La circulation reprend petit à petit ses droits. Une à une, les voitures hâtivement débarrassées de leur épaisse couverture blanche quittent prudemment le parking de l’hôtel.
Vers dix heures, Béatrice elle-aussi s’est enhardie au volant de sa Peugeot gris argent pour retrouver les siens, à deux cent kilomètres de là. Elle roule maintenant vers ses trois filles Carole, Camille et Cécile, son mari Paul, vers le cocon familial. Elle revit les images, les émotions accumulées depuis la veille. Elle pense à Éric… Son ventre se serre, elle a chaud, une onde d’adrénaline traverse son corps. Il faut qu’elle s’arrête. À la station, elle se précipite aux toilettes, relève sa jupe et enlève sa culotte trempée. Elle la jette à la poubelle et s’essuie l’entrejambe. Elle passe de l’eau sur son visage en feu. Petit à petit, le calme revient, elle revoit le film de sa folle aventure.
En premier lieu, sa visite à la maternité d’Amiens, sa joie de retrouver sa petite sœur Patricia, si fière de son bébé. C’est si petit un nouveau-né, elle l’avait presque oublié ! Par chance, il n’y avait pas de visiteurs et elles ont pu tout à loisir s’extasier devant la merveille, parler à bâtons rompus, sans tabou, entre sœurs, que du bonheur… Les parents, les enfants, les maris, les amours, les amants, tous ont été passés à la moulinette de ...
... leurs bavardages. Non, pas les amants, pas pour elle en tous cas. Si elle a eu une jeunesse plutôt libre, tout ça s’est sagement arrêté à la porte de la mairie. Et de l’église. Elle aime Paul. Il a vraiment assuré : une vie matérielle confortable, trois filles, une grande maison, un cercle d’amis.
Fidèle, bon amoureux en plus, même si, ces dernières années… Vingt-cinq ans de vie commune, ça estompe les passions, ça atténue les pulsions et les emportements de l’amour. Leurs relations se sont doucement effilochées. Les occasions d’épicer sa vie sentimentale n’ont pourtant pas manqué, mais elle n’a jamais été tentée. À quarante-six ans, elle reste une femme désirable : brune, de taille moyenne, un visage agréable, un « look » jeune que ses filles contribuent à entretenir.
Elle a quitté Amiens vers dix-sept heures, sous un déluge glacial. À Paris, la neige fondue remplace petit à petit la pluie.
Il n’est pas au rendez-vous ! Béatrice bénit une nouvelle fois sa fille Carole qui l’a entraînée dans cette galère. Le covoiturage ! Carole le pratique tous les week-ends pour rentrer d’Angers. Un certain Éric s’est manifesté, mais seulement pour Paris-XXXXX. Béatrice a accepté de mauvaise grâce, pour ne pas froisser Carole.
Et maintenant, Éric n’est pas là. Elle refait le tour de la place, au ralenti, scrutant à travers ses vitres embuées. Pas d’Éric. Elle déteste ce prénom. Garée en double file, elle fouille dans son sac et compose le numéro sur son portable.
— Éric à ...