Les Parques 1/8
Datte: 30/08/2019,
Catégories:
f,
fépilée,
policier,
Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe
À genoux sur le carrelage, les mains à plat au sol, Atropos tremble et suffoque.
« Dissocier le corps et l’esprit ! »
Les poumons écrasés, bloqués, oppressés, les tripes nouées, le corps parcouru par des vagues successives de frissons glacés, la jeune femme ne parvient pas à se raisonner. Pas encore du moins.
« Dissocier le corps de l’esprit ! Dissocier le corps et l’esprit ! »
Avec une obstination farouche, elle se répète ces mots pour vaincre sa peur.
Peur ?
Non, à dire vrai, elle n’a pas peur. Elle n’a plus peur désormais. C’est sa énième attaque de panique depuis six mois, depuis le Choc !
« Dissocier le corps et l’esprit ! Va te faire foutre, salopard ! Dégage ! Même pas peur ! Dissocier le corps et l’esprit ! Pense à autre chose ! »
Sous le manque d’oxygène, sa vue se brouille, les joints rectilignes du carrelage ondulent, se courbent, serpentent, dansent, les murs chavirent, le sol tangue.
« Dissocier le corps de l’esprit ! Pense à autre chose ! Tu peux le faire ! »
Elle va tomber, s’effondrer, à bout de souffle. Alors, elle le sait à force, l’inconscience libérera ses poumons, débloquera sa trachée. Simple ! Trop simple ! Cette délivrance-là signerait sa faiblesse, l’inconscience certifierait sa défaite.
« C’est juste une attaque de panique ! Tu dois dissocier le corps de l’esprit ! Pense à autre chose ! »
À l’instant de sombrer, Atropos sent enfin une présence immobile à ses côtés. Ectoplasme immobile, silencieux, tout à la fois ...
... compatissant et dédaigneux.
« Dissocier le corps de l’esprit ! Allez, depuis le temps, tu peux le faire ! Tu n’as plus peur ! Rejette le monstre ! Balaye-le, explose-le, vite, on a autre chose à faire ! Pense à autre chose ! »
Agacée, impatiente, Amélie détache son regard de la pauvre forme accroupie.
« Dissocier le corps de l’esprit ! Pense à autre chose ! Pense à l’autre ! Pense à Martial ! Il va bientôt rentrer, tu dois être prête ! »
Amélie ferme les yeux ; elle rêve à ses mains baladeuses, son souffle chaud dans son cou, à son corps serré contre le sien, au relief prometteur qu’il presse déjà contre ses fesses. Elle sent les phalanges légères lui parcourir les flancs, caresser ses seins, agacer ses tétons à travers la soie, flatter son ventre, couler dans le delta de ses cuisses entrouvertes, plonger vers l’estuaire ennoyé. Elle imagine ces doigts impatients parcourir la fine dentelle de ses petites lèvres inondées, frôler son bouton durci ; elle pense aux ondes bienfaisantes qui envahiront alors son corps. Ces perspectives l’échauffent ; une merveilleuse chaleur naît au creux de son ventre, un incendie explose entre ses cuisses, irradiant son corps tout entier.
« Dissocier le corps de l’esprit ! Penser encore, toujours, à autre chose ! »
Et les muscles se détendent. Enfin !
Elle avale, enfin, une profonde goulée d’air, salvatrice, libératrice, apaisante. Une explosion de joie envahit son corps délivré, l’indicible félicité de la victoire, absolue, ...