Quarante textes sur la laideur et autres féroces amusements
Datte: 28/08/2019,
Catégories:
bizarre,
laid(e)s,
collection,
humilié(e),
nonéro,
exercice,
portrait,
Auteur: Raphaël Zacharie de Izarra, Source: Revebebe
... dentelles recherchées, sa toilette osée, sa gorge aérée, sa cuisse dévoilée étaient choses adorables à mes yeux et que je ne voyais rien d’aussi aimable chez celle qui pensait me séduire avec ses chapelets et ses doigts desséchés de laborieuse… Je lui démontrai la vanité de la moralité, de la modestie, de la décence, lui prouvai la supériorité des rires perçants des blondes impertinentes sur les sombres sourires des vierges de son espèce.
Je lui expliquai tout cela en présence de la scélérate beauté qui n’en perdit pas une miette. Pour finir je lui crachai au visage au moment où je sentis poindre ses premières larmes. Je n’eus même pas à inviter la jolie hyène à m’imiter : elle me devança et ses crachats recouvrirent les miens sur le visage en pleur de l’offensée. C’était odieux et délectable, ignoble et exquis, infâme et plaisant.
Amants et esthètes, mes frères, récompensons sans compter le vice et la beauté, châtions sévèrement la laideur et la vertu.
— Mademoiselle, vous allez être bien étonnée : vous êtes laide, cependant je convoite avec feux votre modeste hymen. En vertu de cette loi mondaine qui sur l’échiquier de l’amour fait passer au second plan le visage contrefait de l’amante lorsque cette dernière à l’avantage de posséder une jolie dot, je brûle en votre nom. Déplaisants sont vos traits pour le premier venu. Ravissants je les trouve : Monsieur votre père en m’accordant votre main me lègue sa fortune.
— Réjouissez-vous car vous auriez pu naître laide et ...
... pauvre. Le sort a voulu que vous naissiez laide et riche.
— Vos mille écus vous confèrent mille grâces. Ce que la beauté seule peut s’acheter passagèrement sans le secours d’un héritage, la laideur couverte d’or peut se l’approprier durablement. Quand une femme a l’heur de posséder soit la beauté soit la fortune, elle doit en user sans entrave ni honte à dessein de jouir au mieux de l’existence.
— Ce que la naissance accorde aux êtres, beauté ou argent, les êtres doivent en user sans scrupule. Armes légitimes de la vie de salon… Soyez certaine qu’en maintes occasions, ici et ailleurs, aujourd’hui et de tout temps, à l’insu des bonnes consciences et sous couvert de vertu, la beauté a toujours exercé ses droits autant que la richesse. Qu’une femme laide comme vous use de ses biens pour s’acheter un durable hyménée est aussi judicieux et pas plus déshonorant qu’une femme usant de sa beauté à des fins personnelles, qu’elle soit en quête d’émois charnels furtifs ou de romanesques enchantements de l’âme.
— Vous n’avez pas la beauté mais vous avez l’or. D’autres ont la beauté mais point l’or. La justice est de ce monde Mademoiselle, en vertu de la loi universelle des équilibres : mes ardeurs contre vos écus, et tout s’arrange, tout s’harmonise, bref tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
— Monsieur, pour cynique qu’il soit votre discours est cependant plaisant et aimable. Vous disposez avec outrance, désinvolture et grande liberté des mots autant que des cœurs, et ...