Danse macabre
Datte: 24/08/2019,
Catégories:
grp,
jeunes,
inconnu,
copains,
fépilée,
campagne,
boitenuit,
danser,
cérébral,
revede,
Auteur: SophieF., Source: Revebebe
Se moquer de la mort, c’est le but d’Halloween, n’est-ce pas ? Un petit jeu innocent, croit-on. Mais c’est la mort qui gagne, toujours. Une jeune fille va cette nuit se jeter sous les roues de l’autorail en gare de Saint-Georges d’Aurac. Elle ne nous ennuiera plus avec ses états d’âme. Un dadais va jouer à la roulette russe dans une chambre de bonne de la rue Sainte Opportune et la balle mettra le point final à sa vie d’enfant gâté.
Elle est loin du village, cette gare, et encore plus triste que les autres gares, qui le sont, tristes, la nuit plus encore que le jour. J’ai pris l’autorail, je n’ai pas voulu aller en boîte avec les autres. Boulevard Carnot, on aura jugé bon de mettre des bougies dans des citrouilles évidées. Antoine aura renversé son verre de whisky. Isabelle va bousculer la citrouille en se levant pour aller danser. Ils ne s’échapperont du brasier ni l’un ni l’autre.
Saint-Georges d’Aurac n’est pas loin de La Chaise-Dieu, dont l’abbatiale est connue pour sa danse macabre. Cardinal prince de Rohan, grand Aumônier de France, t’y voilà exilé. Ton carrosse verse dans un fossé, tu as froid, il fait nuit. Le roi qui t’a humilié aura bientôt le cou coupé, la reine dont tu étais amoureux et qui s’est moquée de toi aura également le cou coupé. Il y a non loin de la gare de Saint-Georges d’Aurac un dancing en pleine campagne.
— Il doit s’en passer, des vilaines choses, aux quatre routes, soupire une vieille dentellière.
J’ai douze ans. Un siècle plus ...
... tard, j’y vais. Nous sommes quatre adolescents dans la petite voiture trop nerveuse. Pascal veut nous épater, nous les filles. Depuis, je suis la dame blanche qui fait ralentir les automobilistes, avant le tournant dangereux. Les autres sont des squelettes.
Mon frère m’attend à la gare. Pierre reste dans l’autorail, il va plus loin. Nous venons de nous séparer, c’est triste mais c’était inévitable. Il y a longtemps, va quittons-nous vite, que je ne t’aime plus, que tu ne m’aimes plus.
— Viens aux quatre routes, me demande Camille.
Je n’ai pas envie. Je n’aime personne et personne ne m’aime, dites-moi si je m’amuse.
— Viens donc aux quatre routes, insiste Camille.
Son frère conduit. Nicolas est à côté de moi, derrière. Sa main frôle ma cuisse. Je laisse faire. Quand nous reviendrons, il osera la glisser sous ma jupe, sa main. Je laisserai faire. Je préférerais qu’il conduise et que ce soit le frère de Camille, Julien, qui soit à côté de moi mais la vie est variable aussi bien que l’Euripe.
Aux quatre routes, je retrouve quelques anciens et anciennes camarades du lycée. Oui, je suis satisfaite d’être à Clermont. Oui, étudier les Lettres Modernes ça me plaît, je serai sans doute prof un jour, il n’y a pas de sot métier. Je reconnais aussi quelques solides garçons de la campagne, qui vous bousculent les filles dans le foin sans faire de chichis, hein, Jean-Luc ?
— Tiens, Sophie ! Tu vas bien, Sophie ?
À merveille, pour une nuit d’Halloween, en dépit du noir ...