1. Blanche Lenoir


    Datte: 01/08/2019, Catégories: fh, hplusag, pénétratio, consoler, Auteur: Gaspard, Source: Revebebe

    ... ne me laisse pas de doute, le Monsieur c’est moi : cette magnifique jeune femme au regard patricien, cheveux tombant sur les épaules et robe paysanne chic s’exclame, méprisante :
    
    — C’est un clochard, mon petit, un pauvre, viens avec maman.
    
    Un éclair de lucidité me fait sortir du semi-coma où je me complaisais depuis des semaines : je reconnais cette jeune femme, c’est Émilie le Gwenn, j ‘ai fréquenté autrefois la maison de ses parents à Port-Manech, j’ai même le souvenir de l’avoir emmenée pour une promenade en bateau, voici des années, et elle ne me reconnaît pas…
    
    J’ai supprimé tous les miroirs de la maison tant me torturait le souvenir de Marie qui passait de longs moments à faire son inventaire. Inventaire, cela consistait pour elle à se mettre nue devant une grande glace et à étudier de près sa propre anatomie. Tout était jaugé : les seins, « tu ne trouves pas qu’ils tombent un peu depuis quelques mois ? » Les fesses, «tu vois bien qu’elles sont trop grosses » ; le ventre et les hanches, «je dois absolument me mettre au régime ! » Et pourtant, ce qu’elle était belle ! ventre plat, hanches formées, fesses rondes et fermes, seins toniques insensibles à la pesanteur vu leur taille raisonnable, et de ses inventaires je ne perdais pas une miette, la rassurant, la câlinant ; oui elle était belle dans sa maturité, oui j’aimais son visage d’ange, non elle n’avait pas beaucoup changé depuis notre première étreinte, oui je l’aimerai toujours !
    
    Plus de miroirs à la ...
    ... maison, depuis trois mois je n’ai plus d’image de moi. Il est temps de rentrer, mais il faut que je me voie avant. Il me revient que le port de plaisance propose des blocs sanitaires peu surveillés, j’arrive à me glisser discrètement vers un miroir et ce que j’y découvre me stupéfie. Ce ne peut être à moi, ces cheveux longs et gras, cette barbe blanc-gris toute emmêlée, ce teint pas frais, ces lunettes ravaudées d’un morceau d’adhésif.
    
    Où est-il le Docteur en sciences physiques, ancien directeur de recherches en supraconducteurs, si soucieux de sa personne ? Disparu semble-t-il ! Ce ne peut être à lui cette bedaine forgée à coups de saucisson-vin rouge, lui qui fréquentait assidûment les salles de gym. Et à qui appartiennent ces pieds douteux, chaussés de sandales éculées ? pas à celui qui chaque matin prenait le temps d’astiquer ses Church jusqu’à se voir dedans. L’évidence me cingle : obsédé par mon deuil, je suis devenu asocial, sale, un clochard comme l’a décrété cette petite peste.
    
    Honteux, je reviens à la maison, et je cherche dans le grand classeur le dossier ménage. Je retrouve le nom de la société de services qui venait pour l’entretien courant de la maison et lui téléphone derechef. Oui ils se souviennent bien de moi, oui ils emploient encore Madame Thérèse qui venait régulièrement. Je me rappelle cette Antillaise au sourire éclatant et au cœur d’or qui acceptait même de venir préparer des repas créoles quand nous recevions des amis ; rendez-vous demain 9 ...
«1234...»