Grande bringue - Histoires de Sexe

Grande bringue

... pour la prochaine sortie.
— Oui, volontiers, tout le monde est si sympa. Mais je… euh… Demain, je suis de nouveau ton directeur et…
— Bien sûr, Monsieur le Directeur, ne vous faites pas de souci. Je ne mélange pas tout.
— Merci.

La vie reprend son cours, et ses cours, comme avant, comme s’il ne s’était rien passé, si ce n’est une certaine complicité implicite avec cette grande bringue qui ne déplaît pas à Jérôme. Elle lui est précieuse, notamment lorsqu’il expose ses souhaits de management participatif, pratiquement l’opposé de ce qui se pratiquait auparavant.

— Les gens ne comprennent pas ce que vous attendez d’eux, lui dit-elle. Ils ont perdu « le père » et les repères. Je sais ce que c’est, j’ai perdu mon père. Mais j’avais gardé mes repères et ça m’a sauvée. L’ancien directeur agissait en dictateur, tout puissant, il les terrorisait et jouait sur des cordes sensibles parfois douteuses, on le sait tous. Vous vous positionnez autrement, ce n’est pas plus mal et ça vous évite la comparaison. En revanche, leur demander de prendre des responsabilités, ça, ils ne savent pas faire. Je crois qu’il faudrait passer d’abord par un vecteur différent, un projet qu’ils puissent partager.
— J’entends bien ce que vous me dites. Mais quoi ?
— Je ne sais pas. Un truc dans lequel vous vous sentez à l’aise et qui soit justement une faiblesse de l’équipe.
— Il y a bien l’orthographe. J’ai la rate au court-bouillon quand je vois des fautes sur les tableaux.
— Oui mais pas tout le ...

... monde, enfin je ne crois pas…
— Non, je ne disais pas ça pour vous. Il y a une autre chose. Dans les conseils de classe, ils disent souvent que les jeunes sont nuls, inattentifs, bavards. Et je crois qu’ils ne se posent pas de questions sur leurs pratiques. Si les mômes font le bazar, c’est que le cours ne les intéresse pas. Et pourtant, ils continuent, et le bazar continue.
— Ah, ça c’est intéressant. Et à votre avis, pourquoi ne se remettent-ils pas en question ?
— Je crois qu’ils ne le peuvent pas. En fait, ils sont tous excellents dans leurs spécialités, mais ils font des cours comme ceux qu’ils ont subis eux-mêmes. Toujours des cours magistraux, sauf en TP, bien sûr.
— C’est tout à fait juste, même moi je le reconnais.
— Vous n’avez pas eu de formation pédagogique ?
— Aucune. Un diplôme et débrouille-toi. Et nous sommes tous dans le même cas. Je crois que vous avez mis le doigt sur notre principale faiblesse.
— Bien, bien, bien. Je vais voir ce que je peux faire. En tout cas, merci pour votre franchise, vous m’avez bien aidé.

Jérôme se rend à Caen, au Conseil Régional, pour obtenir des aides pour la formation de ses formateurs en pédagogie. On accueille son projet avec une moue dubitative. Il faut monter un dossier, chiffrer un nombre d’heures, donner des intervenants, un coût. Malgré tout, une assistante de la direction de l’apprentissage lui dit :

— Il n’est pas stupide, votre projet. J’ai fait souvent le même constat. Mais si nous montons une formation, ...