1. L’ultime danse de Salomé


    Datte: 16/06/2025, Catégories: magasin, amour, cérébral, revede, sf, Auteur: calpurnia, Source: Revebebe

    ... illimités et sur lequel travaillaient des centaines d’experts, dont Paul qui en parlait avec fierté, comme s’il s’agissait de son propre fils qu’il avait porté sur les fonts baptismaux de la technologie. L’algorithme de rétropropagation du gradient appliqué à très grande échelle, un réseau neuronal extrêmement profond. Dans le restaurant, il parlait à voix basse, comme s’il craignait les oreilles indiscrètes.
    
    Je l’ai accompagné dans un dédale de couloirs jusque dans son service des activités numériques, au quarantième étage de la tour principale. Il m’a confié une carte à puce, et nous avons franchi ensemble les contrôles de sécurité par dizaines dans un dédale d’ascenseurs et de couloirs déserts à la moquette épaisse, tous identiques, dans lequel je me serais cent fois perdue s’il ne m’avait pas guidée. Sa zone professionnelle était particulièrement contrôlée par des accès biométriques qui reconnaissaient nos visages afin d’ouvrir les portes.
    
    Dans la pénombre feutrée du bureau de Paul, il était trois heures du matin. Au-dessous de nos pieds, les camions de livraison venus nourrir la bête vivante présentaient leurs culs aux quais de déchargement, bien alignés sur des kilomètres, afin de déverser des monceaux de marchandises variées. Bébé, de ses yeux multiples, surveillait tout, s’assurait que la mécanique complexe du Centre ne se grippait en aucun de ses rouages. Cela ne m’a pas empêchée de soumettre un travail supplémentaire à ses millions de cœurs de silicium ...
    ... battant en parallèle. À l’invite de Paul, je me suis installée derrière la console, me souvenant avoir été informaticienne dans une vie antérieure. Après avoir téléchargé la photo, j’ai saisi ma question au clavier :
    
    Un frisson m’a parcourue du sommet du crâne aux orteils. J’étais aux commandes de la machine la plus puissante du moment, un fauve redoutable, mais dompté, prisonnier d’une cage de béton et d’acier. L’œil omniprésent de Bébé nous observait d’une caméra située au-dessus de la porte.
    
    Paul, debout derrière le fauteuil, me surveillait en sirotant son énième café de la nuit. Il n’a pas bronché.
    
    Une barre de progression s’est affichée, égrenant à rebours la durée de calcul restant.
    
    Sans oser y croire, je suis revenue la nuit suivante, après un après-midi d’errance au Centre. Je scrutais une foule qui semblait envoûtée, marchant au pas sans s’en apercevoir, dans les uniformes jetables de la mode rapide. Paul m’a dit qu’il avait dû tricher auprès de sa hiérarchie pour me laisser accéder dans son repaire technique, jusqu’au prompt de Bébé, avec son compte informatique personnel. Il nous fallait rester discrets. À mon tour, je lui en serai toujours reconnaissante. De nouveau, j’ai pris le clavier :
    
    Une photo anthropométrique est apparue à l’écran, bien plus nette que celle de Sam. Même dans ce contexte, bouche fermée, menton relevé, les yeux dans le vague, la demoiselle que je traquais restait jolie, comme habitée par un soleil obscur qui procurait de la force à ...
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