L’ultime danse de Salomé
Datte: 16/06/2025,
Catégories:
magasin,
amour,
cérébral,
revede,
sf,
Auteur: calpurnia, Source: Revebebe
Cette enquête a été la plus difficile de toutes celles qui m’ont été confiées. Pensez : je ne connaissais même pas le nom de la personne recherchée. Un prénom assez courant, une photo floue, un lieu. Et quel lieu, une métropole à lui tout seul : un centre commercial démesuré, des milliers de boutiques, d’allées, d’escalators, d’ascenseurs aux parois transparentes, de puits de lumière, douze niveaux de souterrains, de parkings et pas moins de six hypermarchés.
Le client est venu me voir à l’heure où je fermais mon bureau situé en bas d’une tour délabrée et promise à une démolition prochaine, au profit d’une nouvelle aile du Centre. J’avais attendu la journée entière, à la fois lasse et désœuvrée. Pas question de lui demander de revenir le lendemain : il irait rendre visite à quelqu’un d’autre, ce ne sont pas les détectives qui manquent dans cette ville.
L’homme était assez grand, entre deux âges, barbe fine et brune, fines lunettes aux montures métalliques, élégant dans son costume-cravate bleu sombre. Je lui ai proposé un fauteuil confortable, offert une tasse du café amer et bon marché que je bois habituellement, et prié de me raconter son histoire sous le néon clignotant du plafonnier.
— Mon nom est Sam de Kerk. Je suis désolé, Madame, de vous solliciter à cette heure où vous alliez rentrer, a-t-il dit d’une voix à peine audible, presque couverte par les bruits de circulation de l’autoroute voisine que les fenêtres mal isolées laissaient filtrer, mais je n’en peux ...
... plus et un ami m’a recommandé de faire appel à vous.
— Très flattée de la confiance que vous m’accordez.
— Il s’agit d’une personne que j’ai rencontrée dans le Centre commercial. Elle déjeunait seule, assise sur un tabouret haut, au comptoir d’un café. Comme il n’y avait pas d’autre place, ne l’apercevant dans un premier temps que de dos, je me suis installé près d’elle avec mon sandwich. Nous avons bavardé, d’abord de choses insignifiantes, puis à cœur ouvert. Elle était d’une beauté ensorcelante. Elle m’a dit qu’elle était chirurgienne et qu’elle venait de soigner un enfant nouveau-né par une opération, justement, à cœur ouvert. Elle m’a décrit précisément son travail : elle semblait passionnée par son métier. Lorsque j’étais enfant, je rêvais d’être le héros des salles d’opération, de sauver la vie de gens. Mais j’ai échoué au concours de médecine et ne suis devenu qu’un employé de banque dans une agence du Centre. Mon existence m’a soudain paru bien terne. Ses yeux débordants de joie brillaient d’une manière extraordinaire. Je lui ai évoqué ma solitude, ma lassitude face à ce monde artificiel où l’amour paraît absent, où l’argent et les apparences sont devenus tout ce qui compte. Nous ne sommes restés qu’une heure ensemble, mais il me semble, en y repensant, que ce moment a duré toute une vie. Je suis sorti transformé par cette rencontre.
— C’était quand ? Dans quel café ?
— Il y a un mois environ. Cet établissement n’a pas d’appellation, je vous indiquerai où il se ...