1. Bonne élève


    Datte: 23/05/2025, Catégories: fh, hplusag, caférestau, fsoumise, revede, init, rencontre, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... Clémentine ?
    — Presque. Églantine. Églantine Rosier. Comme quoi mes parents avaient de l’humour, mais pas trop facile à porter.
    — Ah oui, Églantine, excellente élève dont on rêve d’avoir toute une classe. Que deviens-tu… pardon, que devenez-vous ?
    — Oh, je vous en prie, gardez le tutoiement. Je travaille à la Communauté d’Agglomération, à l’Office de tourisme, précisément.
    — Ah, c’est bien, ça…
    — Mouais, moyen moyen.
    
    À ce moment, nos deux compères nous rejoignent, nous montrant ostensiblement leurs montres.
    
    — Excusez-moi, il faut que j’y aille.
    — Bien sûr, moi aussi. Tiens, je te donne mon numéro de portable, appelle-moi vite, qu’on poursuive cette conversation et que tu me donnes des nouvelles de Couillac, dis-je en notant mon portable au dos d’une carte professionnelle.
    — Merci, c’est promis. Je suis trop contente de vous avoir revu.
    — Moi aussi. Et reconnue, signe que je n’ai pas trop vieilli…
    
    Elle s’éloigne, me laissant tout benêt. Couillac… oui, dix ans déjà. Une gamine du CM2 devenue une jeune femme superbe maintenant… Ça fait drôle ! Il s’est passé tellement de choses en dix ans… Mariage, divorce, besoin de changer d’horizon. Je suis passé de la formation initiale à la formation continue, des enfants aux adultes. Mais il a fallu aussi apprendre à faire commerce de cette formation, la vendre aux entreprises, aux particuliers comme aux pouvoirs publics, États et Régions. Et puis, acquérir l’expertise permettant de délivrer des conseils en entreprise, ...
    ... apprendre à manager une équipe, à recruter, mais aussi à licencier. J’y trouve mon compte, intellectuellement et financièrement, et c’est ainsi que j’ai bâti ma nouvelle vie. Et soudain, me voilà rattrapé par l’ancienne, au détour d’une brasserie. La vie est parfois surprenante, c’est aussi ça qui la rend intéressante.
    
    Vendredi soir, mon mobile gronde et sonne l’arrivée du… quarantième texto de la journée, peut-être.
    
    Dix-neuf heures trente, je rentre enfin, rude journée. Un bon whisky dans une main, le mobile dans l’autre, effondré sur le canapé. J’imagine que ma petite élève a oublié ou est empêchée, ou bien encore n’a pas apprécié ma réponse. Tant pis. Qu’est-ce que j’aurais à lui dire au fond, désormais si loin de la petite école de campagne de Couillac ? C’est à ce moment que le téléphone tinte, me tirant de la torpeur qui me gagnait.
    
    Pfff ! Voilà que je me colle des obligations par-dessus le marché. Bon, pas une obligation désagréable, il faut l’avouer, elle est plutôt mignonne, cette petite. Et surtout ses yeux, si peu ordinaires…
    
    Je ne mets pas les petits plats dans les grands, je fais simple, on n’est pas là pour un déjeuner de gala, mais juste pour évoquer un passé lointain. Il est midi pile lorsqu’un moteur de tracteur vrombit dans la cour. C’est comme ça que j’appelle les diesels. Elle est ponctuelle, c’est bien. J’ai horreur des nanas qui se font désirer.
    
    — Oh, c’est charmant chez vous. On se croirait en pleine campagne à deux minutes de la ville.
    — ...
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