1. Le sac à main


    Datte: 08/05/2025, Catégories: fh, prost, gros(ses), grosseins, complexe, hotel, cérébral, Auteur: Moctezuma, Source: Revebebe

    ... matin, Thomas se sent sacologue. Il sait bien que le classement des caractères humains par les sacs, quelque peu réducteur, donne prise à des jugements trop souvent sommaires, voire à des critiques expéditives. Il se souvient de son ex qui cataloguait instantanément les femmes en fonction de ce qu’elles portaient à la main. Beaucoup de pièces métalliques : vulgaire. En cuir : de bon goût. Logo très visible : besoin d’attention. Mais il sentait bien que ça ne servait qu’à la conforter dans ses jugements sociaux. Évidemment qu’elle avait un sac en cuir sans pièces métalliques ! Les classeurs sont classés par leurs classements, comme dirait l’autre.
    
    Mais le sacologue amateur a aussi conscience qu’un sac à main est toujours un petit mystère à percer. Qu’il a tellement été manipulé, chargé, vidé, transporté, qu’il est inévitablement une extension de l’identité de celle qui le porte ! Un sac se remplit toujours : de symbolique et de toute une vie journalière. Si bien que chaque sac à main porte en lui quelque chose d’interdit, une sorte d’âme étrange, qui fait que son ouverture paraît déjà une intrusion. Derrière la banalité d’un objet ordinaire, Thomas pressent des profondeurs remplies de significations invisibles.
    
    Alors, à la manière des profileurs des séries policières, Thomas essaye de se former une image mentale de la femme assortie à ce sac. Il n’appartient probablement ni à une jeune fille ni à une vieille dame. Sa propriétaire prend soin de l’image qu’elle renvoie, ...
    ... mais ne change pas de sac tous les jours. Une femme qui apprécie la polyvalence d’un cabas. Une voyageuse ? Son format assez large oppose sa discrète fonction utilitaire à l’affichage chic et féminin du cuir. Le sac opaque, bien fermé, indique une certaine pudeur. Mais cela tranche avec le rouge profond qui marque une certaine assurance, voire de la séduction. La souplesse du velours fait que ce cabas offre une promesse de maniabilité, il épouse la forme du corps et son mouvement. Au contraire, un sac rigide serait plus guindé, comme celui d’une femme d’affaires.
    
    — C’est à vous ?
    
    Emporté dans son analyse sémiologique, Thomas n’avait pas vu la rame se remplir.
    
    — Euh… oui… pardon, dit-il en prenant précipitamment le sac pour le placer sur ses genoux.
    — Il vous va très bien, réplique la passagère d’un air amusé.
    
    Thomas rougit, interdit, et baisse les yeux pour ne pas révéler sa gêne. Un simple bouton pression ferme le cabas. Mais il n’ose pas l’ouvrir, pas devant tous ces gens !
    
    « Haussmann-Saint-Lazare, terminus du train. Assurez-vous de n’avoir rien oublié à votre place. »
    
    Thomas ne peut se résigner à abandonner derrière lui le mystère du sac. Alors il serre le cabas contre sa poitrine, et d’un pas faussement assuré, s’enfuit de la gare. C’est vraiment pas son genre ! Il erre dans Paris, l’esprit rongé par la culpabilité de l’indiscret, jusqu’à franchir les grilles fraîchement ouvertes du parc Monceaux. Là, il peut s’asseoir sur un banc, calmer sa respiration, ...
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