Paysanne
Datte: 14/04/2025,
Catégories:
amour,
poésie,
nostalgie,
Auteur: calpurnia, Source: Revebebe
— Sincèrement, que penses-tu de mon corps ?
Allongée sur son lit, complètement dévêtue dans la douceur d’un dimanche après-midi de juin, sa question a rompu le silence alors que je la contemplais.
— S’il fallait le qualifier d’un mot, je dirais : tu as un corps de paysanne. Rien de péjoratif, bien sûr. Je vois un corps robuste, taillé pour la dureté du travail des champs, courbé au ras de l’humus, ou debout dans la poussière des moissons, comme surgi de cette terre, les pieds enracinés. Un corps aux hanches ciselées pour porter de nombreux enfants, les accoucher d’un cri dans la moiteur du foyer familial, pour veiller sur leurs fièvres, leurs cauchemars, et de beaux seins tout blancs, tout ronds, pour leur donner chaque jour la satiété. Un corps construit pour triompher des épreuves et toujours sourire à la nuit, aux larmes, aux embruns déchaînés qu’irise le soleil.
À travers le Velux entrouvert, l’astre du jour projectionniste envoyait droit sur elle un puissant flux de lumière, comme sur la scène d’une artiste pour un spectacle un peu osé, sans être pornographique : nudité innocente. Elle transpirait beaucoup. Des gouttes de sueur glissaient entre les seins, ce qui ne semblait pas la déranger. J’ai continué ma description.
— Devant moi, à portée de mains, se témoignent des drames ensevelis que personne n’a jamais écrits ni même préservés dans une mémoire orale. Toutes ces histoires se sont perdues dans les fumées du temps. Cependant, ton corps en conserve ...
... chaque détail, gravé dans tes gènes, raconté dans tes formes, de la cambrure exquise de tes longs pieds de chasseresse à la teinte étrange de tes yeux d’acier. Tu es une survivante de tragédies séculaires. Toi et chacune de tes trois sœurs.
J’ai lu l’étonnement dans son regard. Sans doute n’avait-elle jamais semé dans sa vie que quelques fleurs dans le jardin de ses parents. Son père était comptable et sa mère institutrice, et non pas agriculteurs. Son sourire m’invitait à poursuivre.
— Je vois un corps simple comme une eau fraîche à la source magique de Brocéliande. S’y désaltérer ne procure pas la jouvence, mais au contraire peut faire sombrer dans la folie totale du désir charnel pour, finalement, mourir d’amour – c’est probablement ce qu’il m’attend. Il est sensuel à caresser encore et en corps, mais sans nulle arrogance. Il est luxure sans frivolité. Il est joyeux, un élan qui se détourne de l’orgueil des femmes urbaines par trop sophistiquées, et par là même fragiles sous leur maquillage et leurs ongles peints. Mais, dans sa modestie, ce corps possède la flamboyance des premières étoiles du soir, celles qui seront les dernières du matin. Il garde en lui l’harmonie de la première neige de l’hiver, au sommet du mont d’Arrée. Un corps pétri de grâce, sans trop d’inutile pudeur, chair subtile à la beauté spontanée, qui – cela te surprend ? – attire sans cesse les filles, comme cette étudiante en lettres que tu as initiée aux ébats lesbiens, et aussi les hommes que tu ...