La bague de fiançailles
Datte: 16/11/2024,
Catégories:
fh,
cadeau,
amour,
Oral
nopéné,
lettre,
confession,
nostalgie,
historique,
amouroman,
tarifé,
Auteur: Laetitia, Source: Revebebe
... quinze heures à quatre heures du matin, au rythme de deux passes par jour, trois le dimanche selon un document très officiel issu du ministère de l’Intérieur. Prix unique : 30 francs, sauf pour les chambres « exotiques » ou pour les « spécialités du dernier étage », plus le pourboire. Il est bien évident que les demoiselles ne s’arrêtent pas aux quotas fixés par les ronds de cuir.
Des messieurs, ainsi que quelques dames tournent autour des Demoiselles ou ont engagé la conversation avec elles. On murmure qu’Anaïs Nin, la romancière, est une habituée de l’établissement. Bien sûr, le rôle de ces demoiselles est d’inciter ces messieurs, voire ces dames à boire dans un premier temps, à leurs frais, puis éventuellement à rejoindre leur chambre dans les étages. Leurs charmes sont bien évidemment leurs premiers atouts. Mais le standing d’un établissement de cette classe impose aux demoiselles d’avoir de la conversation aussi.
Charles reconnaît en passant dans un boudoir, madame de Neuville, la veuve d’un riche armateur décédé d’un infarctus il y a un mois à peine, assise dans un fauteuil profond en velours pourpre en galante compagnie. Une femme coiffée à la garçonne, une fesse posée sur l’accoudoir du fauteuil l’embrasse à pleine bouche, une jeune fille rousse dénudée accroupie à ses pieds retrousse sa robe.
Le principe de ces petits salons est que les rideaux n’occultent pas complètement ce qui s’y déroule. Chacun peut en effet profiter du spectacle offert par les couples ...
... s’y trouvant, ou les trios comme c’est le cas présentement. Charles marque un temps d’arrêt, avant de reprendre son chemin, impassible :
— Montons, mesdemoiselles, dit madame de Neuville, apercevant le voyeur et en ajustant son décolleté.
Dans le grand salon, l’atmosphère est festive. Le champagne coule à flots. Un petit homme rabougri joue sur un grand piano à queue un air de jazz à la mode, un morceau de Count Basie.
Quelques vieux messieurs sont en grande conversation avec des jeunes filles. Certains couples dansent au fond de la pièce. Une jolie blonde, à moitié nue, entraîne un colonel d’artillerie vers le couloir et sûrement vers sa chambre. Martigny, haut fonctionnaire au ministère de la Guerre, est assis sur une banquette, une coupe de Champagne à la main et une jeune fille sur ses genoux :
— Ah… Hauteville ! On m’avait dit que vous fréquentiez aussi le 8. Grand bien vous fasse ! Vous ne venez plus aux soirées ?
— Quelles soirées, Monsieur ?
— Que pensez-vous de ce fou d’André Breton et son Manifeste du Surréalisme ? Pire que ces vauriens de Dada, Tristan Tzara et compagnie. On croyait avoir touché le fond avec eux ! Mais je crois que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Et ce Marcel Duchamp, quelle honte ! Est-ce qu’un lieu d’aisance peut être une œuvre d’art ? Insensé !
— Non, je n’ai pas vu, répond Charles, essayant de masquer son désintérêt pour le jacassement de Martigny.
— Irez-vous voir l’Amour des Trois Oranges de Prokofiev à l’opéra ? ...