1. La sculptrice aveugle


    Datte: 12/11/2024, Catégories: amour, cérébral, Voyeur / Exhib / Nudisme rencontre, Auteur: Melle Mélina, Source: Revebebe

    ... bien faire que j’en étais devenue crispée. J’avais perdu mon sourire, je ne fredonnais plus et m’appliquais davantage à ce que je faisais, mais paradoxalement plus je me concentrais, plus l’angoisse de malfaire me cisaillait.
    
    Pendant ce temps, j’entendais Romuald parcourir les lieux. Il s’arrêtait souvent devant mes peintures, devant mon époque « Noire ». Il restait bien deux à trois minutes avant de briser le silence gênant, il tentait d’intellectualiser mes tableaux.
    
    Il n’y avait cependant pas à réfléchir, c’était une forme d’art brut, je dessinais à l’époque des morceaux de corps. Point. Il ne fallait pas chercher plus loin. Je répondais laconiquement, ne laissant aucune ouverture au dialogue, mais toujours focus sur mes mains qui glissaient, qui caressaient cette bouillie de terre.
    
    « Oh ! J’aurais bien voulu caresser autre chose moi… »
    
    Il était temps pour moi de faire une pause. Je constatais que mon trouble ne m’avait pas lâché ! Décidément, mon modèle me faisait m’égarer. Il me paraissait normal de rassurer Romuald de la tournure que prenait l’œuvre. Non, je n’étais pas en train de sculpter une chimère, un monstre hybride mi-homme mi-vache.
    
    — Je meuh rend compte, meuh, que tu meuh imagines plus vache queuh, mmeuh, homme !
    
    Romuald n’était pas dépourvu d’humour et sa réponse dérida un peu la tension inutile de cette séance, il m’arracha un sourire qui avait disparu.
    
    — Quoi, c’est si affreux que ça ?
    — Meuh non !
    
    Je ne suis pas dans une nuit ...
    ... complète, monochrome, absolue. Nonobstant de voir avec mes oreilles, je distingue des nuances de gris. Je le vis s’approcher de moi puis s’arrêter, je pouvais presque entendre son cœur battre.
    
    Il posa ses lèvres contre les miennes, sans chercher à forcer un passage afin que nos langues s’apprivoisent. De nouveau, j’appréciai le goût de ses lèvres relativement humides, un goût âpre, un peu acidulé que je savourais comme je l’aurai fait d’un bonbon.
    
    Je m’éloignai, retrouvai mon aplomb et m’amusai :
    
    — T’as mangé un bonbon juste avant de m’embrasser, c’était quoi, « une langue qui pique » ou « une tête brûlée » ?
    
    Il se contenta d’un :
    
    — Soliflore…
    
    Il avait tout dit dans l’emploi de mon prénom. J’entendais tous les non-dits, quelques reproches teintés de tendresse, de douceur, un peu d’impatience, et surtout les mots importants : mon envie, l’envie de lui.
    
    — Tu comptes fermer les yeux sur les sentiments que tu as vis-à-vis de moi ?
    — Je pense que c’était un bonbon au citron, non ?
    
    Pas très subtile pour éviter de parler sérieusement. Mais merde, quoi ! J’ai un boulot à faire ! Ce gars-là, je le connais depuis quoi ? Deux heures, à tout casser ? Il croit quoi, lui ? Hein ? Qu’il va me séduire et me placer sur son tableau de chasse ? C’est quoi, son trip ? S’envoyer en l’air avec une aveugle ?
    
    Honnêtement, j’étais complètement injuste envers Romuald. Je voyais bien que je n’avais pas à faire un macho qui ne pense qu’à une chose : « Jouer au docteur non ...
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