1. Leurre de gloire


    Datte: 14/08/2024, Catégories: Humour Auteur: Lottie, Source: Revebebe

    Jules, satisfait de lui et au volant de sa Peugeot 402, musardait sur ces routes normandes à la circulation improbable. Surtout en ce mois d’avril 1940. La drôle de guerre, disait-on. Une période interlope où personne ne se retrouvait. L’homme ne détestait pas ce moment où tout était permis à ses entreprises. Entreprises bien peu licites, évidemment.
    
    L’homme ne s’inquiétait pas trop pour son avenir. À l’arrière, dans le coffre de son véhicule, reposait une petite mallette, enfin petite… Disons suffisante pour contenir le fruit de ses rapines.
    
    Trivialement, nous pourrions affubler Jules du doux qualificatif d’escroc. Certes, certes, cela était un peu abrupt et risquerait de rendre notre héros bien antipathique. Pourtant, si l’on prenait son attache, il se qualifierait plutôt de « Robin des bois ».
    
    Pour lui, la vie n’était que jouissance et, d’ailleurs, il n’accordait qu’un intérêt secondaire à l’argent. Il en fallait bien sûr pour vivre, mais il était si facile de le gagner… Enfin plutôt de le voler. Donc, léger et insouciant, il roulait sur cette départementale aux abords bien bucoliques.
    
    Son dernier méfait le faisait encore rigoler, il était bien le seul d’ailleurs. En ce temps béni où la France n’était qu’inorganisation, il était à l’apogée de son art. Enfin art… !
    
    Se faisant passer pour un ingénieur génial, il avait su s’imposer dans une entreprise directement liée à l’effort de guerre, via la production de pièces métalliques usinées avec la plus haute ...
    ... précision. Son implication personnelle n’avait pas été plus loin que de prendre un poste de direction et ensuite de faire main basse sur la caisse. Caisse au montant on ne peut plus rebondi. Du numéraire qui ne faisait que gonfler la mallette contenue dans le coffre de la Peugeot.
    
    Cette petite route départementale lui fit connaître son premier « bouchon », chose inhabituelle, à l’époque. Un charroi s’était renversé en travers de la voie et nombre de personnes semblaient s’exciter autour de l’accident. La situation paraissait sérieuse. Jules s’arrêta donc à l’arrière de cet évènement. Enfilant sa veste et coiffant son chapeau mou, il prit l’air le plus docte possible et se dirigea vers l’accident.
    
    — Holà, brave gens, que se passe-t-il donc ?
    — Vous le voyez bien, monsieur, le Charles s’est fait coincer sous sa charrette.
    — La situation semble grave, laissez-moi voir, je suis médecin… !
    
    Du haut de ses quarante ans, Jules prit un air grave et adopta un ton péremptoire pour dire :
    
    — Arrêtez tout de suite, il faut que j’examine le blessé. Dans vos précipitations, vous pourriez le tuer.
    
    Il se pencha sur l’homme, au demeurant pas dans un si mauvais état que cela. Il avait certes les jambes coincées sous la carriole, mais sa vie ne semblait pas en danger. Toutefois, Jules prit les rênes de l’opération et ordonna le sauvetage. Le véhicule fut délicatement remis sur ses roues et le conducteur dégagé de ses entraves. Quelques fractures empêchaient l’accidenté de marcher et ...
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