En trois lettres - Histoires de Sexe

En trois lettres

... exposition.
— Peut-être, mais reconnais que comme aphrodisiaque, les pièces de théâtre de tes associations ou les vernissages de pseudo-artiste prétentieux, ce n’est pas très efficace.
— D’accord, mais on ne peut quand même pas passer nos journées au lit, on peut baiser, mais aussi se cultiver.
— Sans doute, mais il faut quand même savoir que même si je bande encore pour toi, ce n’est pas éternel. À partir du moment où je pisse moins loin, mais plus souvent, ce qui est déjà une réalité, il ne faut plus t’attendre à de folles étreintes répétées. Et moi, je veux te montrer mon désir tant que Dame Nature me le permet encore, ce qui ne saurait durer autant que les impôts.
— Oui oui, mais ça ne m’inquiète pas outre mesure. Comme cela, quand elle restera flasque tu n’auras plus d’excuses pour snober les sorties culturelles que je te propose.
— Sûrement, je me consolerai alors en pensant que dans le mot culturel les trois premières lettres évoquent un passé merveilleux, des moments de sensualité…
— Et c’est reparti… ! Bon, on se lève ? J’ai un rendez-vous que je ne peux pas décaler, pour une activité CUL-turelle, mon amour !

Ravi de cet épisode innovant dans notre sexualité en déclin, je passai une semaine agréable, ne manquant pas de complimenter ma femme sur son attirante silhouette, voire d’y laisser traîner une main grivoise flattant ses rondeurs épanouies, geste qui parfois déclenchait un sourire sincère.

Ne voulant pas que s’étiole tristement cette renaissance du ...

... désir, je me montrai plus disponible et suivis ma moitié à quelques représentations dites culturelles. Bon, soyons honnêtes, l’équipe de fondus prétendant revisiter Molière et « déconstruire les codes sclérosés » par une mise en scène « privilégiant l’approche heuristique » ne me transporta guère d’admiration. Harpagon assis dans une vieille carcasse de bagnole ou Scapin en larbin tordu promoteur de Tinder, cela me brisa menu les gonades et ne déconstruisit rien du tout à mes yeux, si ce n’est peut-être mon image à ceux de mon épouse.

— Tu as aimé, mon amour ? C’est original, non ?
— Pour être original ça l’est, mais dire que j’ai aimé serait un tantinet excessif, Molière en mode banlieue, bof…
— Ne sois pas psychorigide, rien n’est figé en ce bas monde, tout peut évoluer.
— Ah oui ? Même ma femme ?
— Tu veux dire quoi ? Tu insinues quoi ? Que je suis sclérosée ?
— Oh non, mon amour, non, mais il y a peut-être en toi des représentations erronées qu’une déconstruction permettrait de rendre agréables.

J’eus droit à un regard perplexe, sans commentaire aucun, mais de toute évidence l’approche intellectuelle semblait susciter de l’intérêt. Comment explorer cette piste sans faire de dégâts ? Comment permettre à notre couple de réveiller sa libido sans choquer ni imposer ?

Un soir, en rentrant, Cécile me trouva habillé en veston-chemise-cravate, rasé de frais.

— Tu sors ?
— Oui, avec ma femme.
— Mais tu ne m’as rien dit, je ne suis au courant de rien.
— Je sais. ...