Banana split
Datte: 08/05/2024,
Catégories:
fh,
inconnu,
bateau,
Oral
aventure,
Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe
Les cris perçants des aras rivalisent avec les lugubres hululements désespérés des singes hurleurs bondissants de branches en lianes. Une cacophonie qui couvre presque le vrombissement régulier de l’Évinrude de la pirogue. La surface lisse du fleuve se fend sous l’étrave et produit une écume verdâtre qui dessine un triangle éphémère sur l’onde calme. Un calme apparent seulement car, en réalité, le courant est puissant. Les 150 CV évitent cependant à pousser le moteur à un régime trop bruyant.
Installée à l’avant de l’embarcation, Cassandra est fascinée par l’infinie palette de nuances de vert qu’offre la forêt amazonienne et par les odeurs mêlées, allant du suave aux relents de miasmes que dégagent le Rio Madeira et la forêt tropicale.
Un décor qui la change radicalement de celui qu’elle a connu en Ouganda, en bordure du désert de Namibie. Trois mois d’enfer dans les ergs inhospitaliers, dans un village isolé, trois mois à combattre une résurgence, heureusement très localisée, du virus Ebola. Trois mois d’angoisses, d’impuissance relative et de désespoir à voir la population villageoise peu à peu décimée avant enfin, la victoire sur cette immonde saloperie. Cassandra était sortie de là épuisée et amère : trop occupé à combattre la covid-19, le monde était resté sourd longtemps à ses appels au secours. Deux jours passés au cap Vert n’avaient pas suffi à effacer son mal-être. D’autant que c’est dans ces îles qu’elle avait appris la disparition de Josefina. Sans perdre de ...
... temps, elle avait pris le premier vol pour Londres, puis un autre pour Rio. Un vol encore pour Manaus où elle avait finalement bénéficié d’un transport gracieux dans l’avion d’une compagnie minière exploitant un gisement de cassitérite au confluent des Rio Madeira et Machado. Une chance, puisque c’était le point le plus proche de celui qu’elle voulait atteindre. Dans le village-comptoir, elle trouverait, lui avait-on assuré, une pirogue et un guide pour remonter le Machado.
Cassandra avait trouvé bien mieux qu’une simple pirogue : une longue barque en aluminium, moderne, profilée et en partie couverte par des toiles montées sur arceaux. Un confort appréciable : depuis le départ deux heures plus tôt, elle et son guide avaient déjà essuyé trois averses tropicales, aussi violentes que brèves à l’issue desquels, tous les calaos du secteur avaient bruyamment salué le retour du soleil par des claquements de becs si puissants, presque effrayants, que la jeune femme avait sursauté à chaque fois. Plus effrayant encore, les hennissements surprenant des singes-araignées bondissant dans la canopée.
D’aucuns appréhenderaient avec angoisse cet environnement oppressant par son exubérance. Pourtant, si pesantes qu’elles soient, la chaleur et l’humidité ragaillardissent l’Européenne qui se saoule des effluves de la folle végétation amazonienne. Un écosystème luxuriant qui fascine la jeune femme.
Fascinée, Cassandra l’est également par son guide : le très souriant brésilien, torse nu, ...