Une île
Datte: 08/02/2024,
Catégories:
fh,
Auteur: Jane Does, Source: Revebebe
... je vais droit vers un abîme. Celui d’une désillusion, d’un nouvel échec aussi. Et bien que j’en sois parfaitement consciente, comme d’habitude, je continue à avancer vers un gouffre qui va me plonger plus profondément dans un total désarroi. Je le comprends, le sais, en mesure toute la bêtise, mais rien ne peut plus arrêter ma marche vers l’inconnu. Et c’est le ronron feutré d’un moteur qui s’arrête devant ma maison qui m’arrache enfin à ce silence qui m’étouffe.
La sonnette, j’ai beau m’y attendre, me fait sursauter. Je cours plus que je ne marche vers cette porte derrière laquelle le type stationne. Il est là, camouflé par un énorme bouquet de fleurs. Celui-ci se tend vers moi, et machinalement, je l’attrape. Qu’ai-je à dire de plus que ce mot unique qui me monte à la gorge ?
— Merci…
— Mais elles sont loin d’avoir votre éclat, Anne !
— Je… je ne sais pas vraiment quoi vous dire…
— Alors, laissez-leur une chance de vivre quelques jours encore !
— Pardon ?
— Oui… offrez-leur un peu d’eau, dans un vase…
— Mon dieu… je suis désolée, je ne pense plus, à cette heure-ci. Oui, oui bien sûr ! Mais entrez, ne restez pas sur le pas de la porte. Vous voulez un verre ? Quelques minutes de retard ne nous interdiront pas de dîner, n’est-ce pas ?
— Bien entendu. C’est… chouette chez vous. À votre image, bien rangé… Je souhaite, espère vraiment, que vous et moi allions au bout de mon projet.
— De votre projet ?
— Oui… quelque part, vous faites déjà partie de mon île ! ...
... Depuis mon entrée dans votre bureau, ce matin, je sais, j’ai compris que vous étiez la femme de la situation.
— Le bar est par là !
— Dans ce meuble ?
— Oui ! Ouvrez la porte centrale… vous aurez les bouteilles, les verres, de la glace aussi.
— Organisée… C’est parfait et ça me rassure, Anne. On a souvent dû vous dire que vous êtes une très jolie femme…
— Quoi ? Vous me parlez ?
— Euh… oui, vous aussi prenez un scotch ?
— Non ! Je préfère quelque chose de moins âcre… une vodka. Il doit aussi se trouver du jus d’orange pour la parfumer un peu…
L’eau du robinet qui coule m’interdit d’entendre complètement les phrases qu’il me lance. Mais j’ai pourtant bien perçu celle où il me complimentait et ses mots à propos de ma beauté m’ont fait rougir. Il me faut un temps de calme pour que ma bouille retrouve une couleur plus « normale ». Nous sommes désormais face à face, et nos deux verres s’entrechoquent. Lui me suit des yeux pour trinquer et je n’ai pas l’âme de baisser les miens. La politesse l’oblige. Mais je me sens transpercée jusqu’aux tréfonds de moi. Je crois que s’il fait un geste, là, qu’il s’approche de ma petite personne, je ne saurai pas le repousser.
Il n’en fait pourtant rien et continue à me rezieuter avec une sorte de dévotion qui m’indispose presque. Sans un mot, je bois pratiquement cul sec mon apéritif. Et lui reste figé, debout à un mètre cinquante de moi sans broncher. Je réalise ce que la situation a de gênant. Mais il ne semble pas perturbé du tout par ...