1. Fifty-Fifty


    Datte: 27/01/2024, Catégories: fh, ff, ffh, hplusag, Collègues / Travail fête, amour, portrait, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... appareil moins récalcitrant, ce serait pour entendre la sonnerie résonner dans le vide : l’objet du désir aurait entretemps quitté le domicile.
    
    Et c’était bien là ce qui autorisait le miracle : on passerait le soir, et sans prévenir. On couperait court aux bavardages, on économiserait de la salive et du temps en choisissant des mots plus rares et plus denses, troublé par la présence d’un corps, d’un parfum. On vibrerait alors bien mieux qu’uniPhone, et avec un peu de chance, si c’était à l’unisson, on serait gagné par cette émotion indescriptible, à la fois grave et légère, celle d’une prescience : on ne tarderait pas à faire l’amour, cette forme de sexe la plus parfaite, parce qu’elle échappe à toute préméditation. On n’y court pas derrière ses fantasmes, on ne reproduit rien, on est emporté, on se rejoint dans l’abandon.
    
    La sonnette avait retenti, la porte s’était ouverte.
    
    — Jérôme ? Quelle surprise ! Tu passais dans le quartier ?
    — Si on veut. Je sors d’un entretien avec le Commandeur…
    — Rien que ça ? Et ça s’est bien passé ?
    — On peut le dire. J’ai du mal à y croire. Une promotion inouïe.
    — Mais c’est génial ! Je suis tellement contente pour toi ! Tu le mérites.
    
    On lisait en Marie comme dans un livre, et sa sincérité était évidente.
    
    — Tu sais quoi ? Et si j’appelais Raphaëlle, Luc, Sophie, Gérard, toute la bande ? Qu’on se retrouve sur une terrasse…
    — Non, pas la peine…
    — Tu n’as pas envie de fêter ça ?
    
    Il joua son va-tout.
    
    — Je crois que ...
    ... j’ai surtout envie de toi.
    
    Marie s’était approchée, avait saisi son visage de ses mains douces, et avant de coller ses lèvres sur les siennes, elle lui avait fourni sa propre déclaration d’amour.
    
    — Merde, tu en as mis, du temps…
    
    Alors l’amour, ils l’avaient fait, bien sûr, et aussitôt.
    
    Appuyée sur la rambarde, Marie fumait à présent une cigarette en regardant de joyeux passants défiler dans la rue Jolivet. Jérôme, lui, levait les yeux vers la masse sombre de la tour Montparnasse, et pour la première fois, c’était sans mépris, tant son ombre aux reflets roux semblait veiller sur lui comme une autre statue du Commandeur, l’homme qui avait aujourd’hui doublement précipité son bonheur.
    
    ⁂
    
    Jérôme tâchait encore d’échapper à ses lointains souvenirs au moment de pousser la porte du grand bureau logé au dernier étage. Caubert l’accueillit d’un simple hochement de tête, tout en l’invitant à prendre place. Surprise : Juliette Rouvre avait posé son adorable postérieur sur la chaise voisine.
    
    La jeune femme avait récemment rejointLe Temps, et n’avait pas tardé à s’y faire un nom et une réputation. Ses critiques cinématographiques étaient redoutées. Quand elle n’aimait pas un film, elle ne se contentait pas de le faire savoir avec indifférence ou mépris, elle le démembrait avec une gourmandise de psychopathe. Il n’y avait pas grand-chose à retoucher dans ses textes, plutôt bien torchés, qu’elle assaisonnait systématiquement d’une généreuse rasade de vinaigre. Tant qu’il ...
«1...345...25»