1. Ma vie (sexuelle) en 11 moments-clés


    Datte: 13/12/2023, Catégories: fh, extracon, fête, Collègues / Travail collection, amour, journal, roadmovie, Auteur: Amateur de Blues, Source: Revebebe

    ... tête.
    
    Quand elle parle, on ne peut qu’être en accord avec tout ce qu’elle dit. Sa voix est chaleureuse et son discours est rempli d’humanité. Elle aime les gens, même les sauvages de la ZAD. Elle parle d’avenir, de la beauté de la montagne que je connais comme ma poche maintenant. Il n’y a qu’aux types aux dents longues en costume cravate qu’elle réserve son mépris. Je n’ai pas oublié. Elle avait raison.
    
    Dès que la réunion se termine, je file. Je retourne à ma cabane et je mets de l’eau à chauffer sur le poêle. Je veux lire, Tolstoï, Anna Karenine, mais les mots dansent devant mes yeux et je n’arrive pas à me concentrer. On frappe à ma porte. Je ne vais pas ouvrir. On frappe encore. J’ouvre et je me retrouve face à la députée.
    
    — Eh bien, Antoine, tu es difficile à trouver. Je croyais te voir au bal folk. Tout le monde danse, tu ne veux pas venir ?
    — Non. Mon thé va refroidir. Tu en veux ?
    — Si tu réponds à ma question, pourquoi pas ! Tu sais, c’est toujours la même question : est-ce qu’on peut devenir amis, toi et moi ?
    
    Nous sommes devenus amis. Nous avons beaucoup parlé et j’ai fini par lui raconter toute mon histoire. Je me suis excusé de mon ambition, de mon machisme, excusé d’être celui que j’ai été. Elle m’a raconté son fils, le père qui n’a pas supporté qu’elle fasse une carrière politique et qui l’a quittée, ses idées, ses combats. Elle m’a proposé de revenir en ville pour qu’on puisse continuer de se voir et de se parler, mais j’ai refusé. Je n’ai pas ...
    ... très confiance en moi et je préfère rester dans ma montagne.
    
    La ZAD se vide maintenant qu’il n’y a plus de danger, mais nous sommes une vingtaine à nous installer définitivement. Avec l’argent qu’il me reste de mes années glorieuses, j’achète les terres et je les offre au GAEC que nous formons, nous les survivants de la ZAD. Alice vient dès qu’elle peut. Elle amène son fils, Simon, et on s’entend bien, lui et moi. Je lui apprends le nom des arbres et je lui parle de mes amis les loups qui vivent dans la montagne et que je vois souvent. Un jour, Simon demande à sa mère de rester avec moi pendant les vacances. Elle accepte. Avec Simon, qui a dix ans, nous parcourons les montagnes et nageons dans la rivière. Un soir, devant un bol de soupe, il me dit :
    
    — Tu sais, maman, elle est tout le temps triste parce qu’elle n’a plus de mari. Papa, c’est un bon papa, mais il ne voulait pas être le mari d’une députée. Toi, maman, elle t’aime bien. Tu voudrais pas être son nouveau mari ?
    — Te fais pas de film, Simon, je réponds. Tu as vu ma maison ? Tu as vu ma barbe ? Ta mère, c’est pas ça qu’elle veut comme mari. Et le jour où elle changera d’avis, ce n’est pas à toi qu’elle demandera des conseils.
    
    J’adore ce gosse. Quand je le vois, je pense à mes filles que je ne connais pas. Ça dure comme ça pendant des années. Cinq ans en fait. Le temps d’une législature. Alice ne se représente pas. Un jour, elle vient et elle m’annonce ça :
    
    — Je fais comme toi, Antoine. Je me retire, j’ai ...