L'album photo d'Anne 3
Datte: 21/11/2023,
Catégories:
Entre-nous,
Hétéro
Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds
... complètement fermée avant 68, bougeait. Doucement, mais elle bougeait. J’ai vécu cette mutation qui aura marqué ma jeunesse et ma vie. Professionnellement bien entendu, mais aussi personnellement. J’étais une femme, jeune, libre et mère de surcroit.
On en arrive à octobre 1972 et le fameux procès de Bobigny. Marie Claire Chevalier, une lycéenne à l’époque, est jugée pour avortement. Sa mère est aussi jugée pour complicité, ainsi que la femme qui a pratiqué l’avortement et deux amies de sa mère qui l’ont conseillée et aidée. Comme je vous l’ai dit, c’était interdit à l’époque, plus qu’un délit, c’était un crime. Marie Claire enceinte, après avoir été violée refuse de garder l’enfant et avorte. Elle est issue d’un milieu très modeste, et elle n’a que 16 ans. Garder l’enfant équivalait à la misère, mais aussi à la stigmatisation, pour elle et sa famille. Le violeur, un élève de son lycée, pousse l’ignominie jusqu’à la dénoncer et elle est jugée. Soupçonné d’un vol de voiture, il négocie la clémence des policiers en échange de la dénonciation de l’avortement de Marie Claire. La mère de Marie Claire a fait appel à une avocate engagée, Gisèle Halimi, qui avec l’aide de Simone de Beauvoir va transformer ce procès pour avortement, en procès politique et en faire une tribune.
La presse relate les informations relatives au procès comme étant « l’affaire Marie Claire ». L’utilisation de son prénom va la protéger et créer une sorte de bouclier médiatique autour d’elle. Elle ...
... deviendra, malgré elle, une sorte d’héroïne.
Marie Claire finira par être relaxée. Surtout sous la pression médiatique et celle de l’opinion publique. Il n’est pas rare qu’un procès fasse avancer le droit. Quelques-uns font même avancer la société. Le procès de Bobigny fut l’un d’eux. Les débats, générés par l’affaire fortement médiatisée auront fait basculer l’opinion en faveur de l’avortement.
J’ai persuadé votre grand-père de couvrir le procès, il y est allé et a écrit, à mon avis, son meilleur article, après ceux du Viêtnam et puis le premier que j’ai lu, celui sur le printemps de Prague.
Nous étions un couple fusionnel, certes, mais au niveau professionnel, nous étions toujours sur la même longueur d’onde. Nous voulions donner aux événements que nous avons couverts, le même éclairage, toujours.
Il rédigera ensuite un deuxième article, le portrait de Gisèle Halimi, signataire aussi du manifeste des 343 et l’avocate de Marie Claire. J’étais à la sortie du tribunal, à l’issue du procès, lors de la bousculade. Gisèle Halimi sortant sous les flashs le bras autour des épaules de Marie Claire et de sa mère. Regardez la photo que j’ai faite, illustrant l’article de votre grand-père.
Le verdict de clémence envers les accusées, censé apaiser les esprits, les échauffe au contraire. A la sortie du procès, les manifestants scandaient « Ce n’est qu’un début, continuons le combat », un ancien slogan de 68.
Qu’est-ce que j’ai été fière de votre grand-père quand j’ai lu son ...