1. L'album photo d'Anne 3


    Datte: 21/11/2023, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds

    ... forte chance que ça soit là-bas. J’étais allée rejoindre votre grand-père là-bas, nous étions éloignés l’un de l’autre depuis plusieurs semaines et…
    
    Un moment de silence a suivi ces paroles. Je me souviens de la nuit qui a suivi mon arrivée, de l’intensité de notre corps à corps. La passion qui nous a habités. Après cette séparation forcée, nous nous sommes lâchés, complètement lâchés. Nous avons fait l’amour comme jamais ce soir-là. C’était dans un hôtel de la ville, où Pierre logeait. Je me souviens aussi du regard que m’a lancé le couple de la chambre voisine, quand je les ai croisés dans le couloir le lendemain matin. Je me souviens surtout du sentiment de plénitude qui m’a envahie juste après, essoufflée sur le lit, peinant à reprendre mes esprits. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’en ai été sûre, c’était ce soir-là. De plus, nous nous sommes peu vus pendant cette mission à Washington, il n’y a pas 36 possibilités. C’était ce soir-là ! Obligé ! Enfin, ce genre de détails, je ne vais pas les donner à mes petits-enfants !
    
    - Et Mamie ? lancèrent mes petits enfants en riant comme des baleines.
    
    - Et… c’est tout ! Qu’allez-vous imaginer ?
    
    Je suis repartie en reportage, après la naissance d’Olivier en 1973. Mais mes grands voyages se sont espacés de plus en plus. Ils se sont raccourcis aussi. Je me suis assagie, on va dire. J’avais deux enfants en bas âge. Je me focalisais sur des événements moins lointains et surtout dans des environnements moins risqués. ...
    ... Je me suis mise à privilégier de plus en plus ma vie de famille.
    
    En septembre 73, j’étais tout de même à Santiago pour le coup d’état au Chili. J’ai pris cette photo d’hommes couchés dans le caniveau les mains sur la tête alignés devant un char d’assaut et des militaires en armes. Là encore, avec la prise du pouvoir par la junte, il a fallu quitter le pays rapidement, presque une fuite. Nous étions habitués depuis la Tchécoslovaquie. Enfin, si on s’habitue à ça.
    
    En 74, je pars pour le Portugal pour la révolution des œillets. J’y ai fait pas mal de photos, dont celle-ci, de civils assis sur des chars fraternisant avec les militaires, tous l’œillet à la boutonnière, encore une fois, ça m’a rappelé Prague et la résistance pacifique. L’opposé de ce que j’ai vu au Chili.
    
    En avril 1975, je retournerais pourtant en Asie dans un pays ravagé par la guerre civile, le Cambodge. Depuis cinq ans déjà, la république du Cambodge, soutenue par les Etats-Unis faisait face à la révolte communiste des Khmers rouges. Alors que Phnom Penh est sur le point de tomber, les Etats-Unis décident d’évacuer la ville.
    
    Dans les heures qui suivent l’entrée à Phnom Penh des Khmers rouges, la capitale est vidée de ses habitants. Au total, deux millions de personnes de tous les âges seront déportés. Il en va de même des autres villes du pays.
    
    Les déportés sont dirigés vers des camps de travail et de rééducation et astreints à des tâches dures et humiliantes. La nourriture est souvent réduite à ...
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