L'orgue de Barbara
Datte: 18/10/2023,
Catégories:
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Auteur: Olaf, Source: Revebebe
Au départ, je voulais faire un tour des brocantes entre Lyon et Toulouse. Pas pour acheter de quoi refaire mon stock, mais juste pour être peinard pendant une semaine, regarder comment les collègues travaillent, comment ils montent leurs stands, placent les objets et mettent les meubles en valeur.
En planifiant mon voyage, je n’avais pas imaginé la chienlit que le gouvernement et les syndicats allaient mettre dans la rue.
Résultat des courses, plusieurs marchés sont annulés au dernier moment, l’accès aux grandes villes est quasi bloqué, les magasins sont mal approvisionnés et on ne trouve pratiquement plus d’essence. Ce n’est pas mieux pour les trains, même en province.
Sans me laisser démonter, je remplace les marchés manquants par de la rando dans des coins de France que je traverse.
Le troisième jour de mon périple, je repère une petite auberge sympa dans un village de la Drôme. Le havre de paix idéal pour lire mes courriels et prendre du bon temps.
J’entre. La déco est chaleureuse. Au fond de la salle, à côté d’un juke-box – qui a encore un juke-box dans son bistrot aujourd’hui ? –, je vois une nana, sans âge, habillée en baba cool. On dit que la mode est cyclique. Là, le cycle a duré 40 ans, mais tous les codes vestimentaires de mai 68 y sont. Longue robe multicolore, sandales ouvertes, pas de soutif, bandeau dans les cheveux. Question chevelure, la dame arbore une superbe crinière grise mi-longue, et un amusantundercut du côté droit, comme seule ...
... concession à une mode plus récente.
— Bonjour.
— Salut, répond la taulière sans cesser d’examiner des cartes à jouer étalées devant elle.
Je m’approche pour lui demander si elle a une chambre pour la nuit.
— Reste où tu es et ne dis rien !
— …
— Tu veux une chambre, pour la nuit, mais tu n’es pas fermé à l’idée de rester un peu plus longtemps. De toute façon, ton voyage est merdique, la France est merdique, le monde est merdique. Donc autant rester au Matricariat.
— Bien vu. Comment vous savez tout ça ?
— C’est marqué dans les cartes, je t’attendais.
Je la regarde plus attentivement, tout en restant à distance respectueuse. Les cartes sont blanches.
— Euh, il n’y a rien sur les cartes.
— Tu as fait L’ENA pour être aussi borné ? C’est pas parce que TU ne vois rien qu’IL n’y a rien.
— Pas faux, et vous voyez quoi dans cette donne ?
— Je viens de te le dire, marmonne-t-elle en se levant pour aller devant le juke-box.
L’intro de « Days of Pearly Spencer »1 démarre. Les lumières de l’appareil révèlent quelques détails de l’apparence et de l’anatomie de la femme. Quelque chose de magnétique émane d’elle. La contempler fait remonter d’agréables émotions du passé.
Elle se balance en rythme d’un pied sur l’autre, puis s’éloigne de la machine, s’ouvre, remplit l’espace de gestes de plus en plus amples. Les yeux fermés, elle danse, lentement, lascivement, les pointes des seins dressées sous sa robe, les hanches discrètement, mais sûrement animées de basculements ...