D'une terre à une autre - Histoires de Sexe

D'une terre à une autre

... dans ses pensées, main sur la garde de son épée, Two-Eyes parut ne pas entendre sa maîtresse. En quoi une histoire de naufragés, qui venaient de débarquer à Majorque, pourrait-elle l’intéresser ?

La dernière matinée sur l’îlot sauvage n’avait pas été de tout repos, mais après beaucoup de travail, et quelques bouderies de Vanna, tout le monde s’était embarqué dans la chaloupe revenue à terre, pour rejoindre l’Astrolabio.

Si la jeune métisse était restée stoïque, et curieuse de tout, l’Irlandaise, pour la toute première fois de sa vie, était malade. Un mal de mer effroyable, qui ne l’avait quitté que la veille de l’arrivée à Majorque. Un voyage sans le moindre encombre. Comme l’avait prévu la rouquine, l’équipage au complet mangeait déjà dans la main de Vanna. Gustave, Romuald et Armando étaient devenus les esclaves de la jeune mulâtresse, répondant sans attendre à d’innombrables questions, et la satisfaisant à son moindre caprice. Ce qui avait fait dire à Vanna que si chérie Aylin pouvait quitter son hamac, elle la rouspéterait d’être une emmerdeuse impolie.

Un matin brumeux, l’Astrolabio entrait dans le port de Majorque, sous des nuées d’oiseaux de mer curieux et criards. L’Irlandaise serrait sa compagne contre elle.

— Regarde Vanna… Les débuts d’une vie nouvelle !
— Je regarde oui. On va dormir avec les autres ?
— Chez Armando oui. Il a une petite maison. Nous allons très vite acheter la nôtre. Une maison à nous.
— Et les autres viendront dormir chez nous ...

... ?
— S’ils le désirent, bien sûr…
— Faut acheter une grande maison alors. Je les aime bien tes amis.
— J’ai cru comprendre qu’ils étaient tes amis aussi maintenant.
— Ah… je sais pas. Tu crois ?

La rouquine sourit sans regarder sa compagne, qui ne saurait certainement jamais mentir. Un point faible, dans un monde qui pouvait se montrer difficile, sinon cruel. Une autre leçon, certes pas très glorieuse, mais que Vanna devrait apprendre.

— Je crois oui. Tu as de très bons amis, ma belle. Tu ne sais pas à quel point…

Miss Temple savait que désormais, même si elle n’était plus là, trois hommes d’honneur veilleraient sur Vanna, et ce au péril de leur vie.

Depuis son arrivée, celle que tout le monde, hormis ses amis, appelait désormais, miss Temple, n’avait quitté la petite maison d’Armando Delmaro que pour aménager dans la sienne. Une immense hacienda relativement récente, nichée au centre de vastes terres. Le domaine, acheté à un commerçant qui n’avait pas été assez malin, ou assez travailleur, pour garder son exploitation. Il restait des ouvriers, quelques domestiques, et des employés de maison, qui resteraient embauchés par la nouvelle propriétaire des lieux. Des chevaux, un peu de bétail, des moutons, et Gustave Lamprois avait racheter le tout, avec l’accord de son amie qui n’avait pas daigné étudier l’affaire.

Miss Temple était ensevelie sous des masses de dossiers et paperasseries. Les courriers seraient longs à revenir. À son arrivée, Gustave la mettait au ...