Le fantôme de mon cœur - Histoires de Sexe

Le fantôme de mon cœur

... serrait les dents sans rien dire… L’amour rend aveugle, mais il me semble pourtant qu’il y a des limites à tout.

Ah, l’on arrive à la partie qui m’intéresse vraiment : celle de la mort de sa dulcinée, emportée par un mal inconnu. Il faut dire qu’à l’époque, les connaissances de la médecine étaient passablement limitées…

Soudain, mon sang se glace : ce bouquin n’est pas tombé du ciel, et comment un humain peut-il être au courant de toutes ces choses ? Comment un humain pourrait-il savoir comment se sont déroulées les négociations entre Mac Hillian et le diable ? Cet ouvrage ne serait-il qu’un immense tissu de fadaises ? Je suis sidérée, d’autant que mon fantôme semble y croire dur comme fer, lui.

Je corne la page pour abandonner la lecture, puis me ravise. Je saute les passages sur les incantations, pour me rendre compte qu’il y a deux pages, tout à la fin, qui n’ont pas été imprimées. C’est d’autant plus surprenant qu’il ne s’agit probablement pas d’un oubli : les pages en question sont numérotées dans le coin en bas et à droite.

Bah, cela n’a pas grande importance… D’autant que le professeur Guardian vient d’arriver.

Après quelques banalités, j’entre dans le vif du sujet.

— J’aimerais que vous me traduisiez certains passages de ce livre.

Il jette un rapide coup d’œil, puis se ravise, le sourire en coin, et me rend le bouquin.

— Dites-moi, Mademoiselle, vous ne seriez tout de même pas en contact avec un fantôme ?

Le pire, c’est le ton qu’il utilise ...

... pour me le dire, parfaitement détaché.

— C’est à dire que… Disons qu’on peut faire comme si c’était le cas.
— Quel est son nom, Mademoiselle ?
— Son nom à qui ?
— À votre fantôme, voyons… Ne faites pas cette tête ; je suis confronté tous les jours à des phénomènes de ce genre, je suis habitué. Donc, quel est son nom ?
— Mac Hillian, réponds-je d’une voix blanche.
— Ah, et vous êtes donc l’élue ?

Il va sans dire que je suis absolument sidérée. Je m’attendais à quelqu’un qui me prendrait pour une dingue – il est vrai que moi-même, j’ai quelquefois du mal à croire à ce que je vis – et voilà que je tombe sur quelqu’un qui semble n’être étonné de rien.

— Ben, il paraît…
— Et donc, vous voudriez savoir si vous n’allez pas libérer un monstre.

Pour cela, il n’a pas besoin d’être devin : j’en ai parlé à sa secrétaire lors de la prise de rendez-vous.

— Remontrez-moi ce livre…

Il chausse ses lunettes et recommence à lire les passages qui nous intéressent. Il sourit.

— À mon avis, la seule chose que vous risquiez, c’est que cela ne marche pas. En tout cas, j’en mettrais ma main à couper : vous ne libérerez pas un monstre.
— Et qu’est-ce qui vous permet d’être aussi catégorique ?
— Sa personnalité antérieure, déjà. Mac Hillian était une crème de son vivant, même si parfois un peu excessif…

Ça, je l’avais remarqué ; je ne serais d’ailleurs pas surprise d’avoir les fesses encore un peu rouges par endroits.

— Et la mort ne change jamais les personnalités. ...