Te souviens-tu ?
Datte: 16/01/2018,
Catégories:
fh,
jeunes,
couple,
amour,
lettre,
mélo,
lettres,
amourdura,
Auteur: Larry Starck, Source: Revebebe
Je viens de déposer sur tes lèvres brûlantes et tremblantes un dernier baiser. Et puis ils t’ont emportée en réanimation, ce non-lieu où je ne pourrai plus venir te voir. Tu m’as dit il y a quelques jours : « Le crabe me ronge par où nous nous sommes tellement aimés. » Dernier sourire, dernier bon mot. Pourquoi seul dans ce café me vient-il l’envie de t’écrire cette lettre que tu ne liras jamais ? Notre vie défile en scènes sans suite et à chacune j’ai envie de te demander « Te souviens-tu ? »
Je sais bien que tu te souviens, souvent nous échangions ces petits fragments de mémoire juste avant de nous créer de nouveaux souvenirs. Un soir chez mes parents dans cette chambre à la décoration rococo, tu t’étais serrée contre moi dans le lit, tu m’avais caressé la poitrine en me disant : « Tu te souviens ? C’est dans cette chambre que nous avons conçu Romain. » Notre fils venait d’avoir dix-huit ans. Je t’ai répondu : « Je me souviens » en t’embrassant avec les mêmes tendres hésitations qu’à l’époque. Ce n’était pas alors la première fois que nous faisions l’amour, mais nous avions encore dans nos élans le manque d’assurance de notre jeune âge. Nous avons continué à refaire les gestes d’alors et lorsque je t’ai déshabillée, que j’ai posé mes lèvres sur ton corps, sur tes seins, sur ton sexe, magie de cette chambre, j’ai retrouvé tous les émois de mes dix-neuf ans. Après que je t’eus pénétrée avec d’infinies précautions, j’avais toujours peur de te brusquer, tu m’as murmuré : « ...
... J’ai à nouveau dix-huit ans. » La pièce avait toujours cette légère odeur de renfermé et d’humidité. À dix-huit ans tu avais jugé cela un peu désagréable, à trente-six tu t’es émerveillée que ces odeurs fassent remonter ces souvenirs, ensuite cette chambre, avec sa décoration hors d’âge et sans style et son odeur, a toujours gardé un grand pouvoir érogène sur nous.
Combien j’en ai entendus lorsque j’ai dit à mes parents que tu attendais Romain :« À ton âge, vous vous connaissez depuis si peu de temps, etc. » Sans doute fallait-il qu’ils évacuent toute cette peur pour vous aimer ensuite comme ils vous ont aimés, toi, Romain et puis Isabelle deux ans plus tard. Je sais, nous ne serons jamais certains du lit dans lequel nous avons conçu Isabelle, il faut dire que pendant ces quelques jours de lune de miel durant lesquels tes parents nous ont gardé Romain, nous ne nous sommes pas privés de remettre le couvert. Pas un hôtel entre Venise et Milan qui ne nous ait entendus conjuguer le verbe baiser. Bien sûr que je me souviens de la petite pension de Florence ! Les murs étaient si fins que nous n’osions nous laisser aller et puis le couple d’à côté s’est mis à lancer des« oh », des« ah », des« humm » indécents, alors dans un éclat de rire nous nous sommes abandonnés à notre passion et ce fut la nuit la plus drôle et la plus chaude de notre séjour. Oui, mon amour, moi aussi j’aime à imaginer que c’est de cette nuit baroque qu’est née Isabelle, cette nuit florentine va si bien avec ...