La rédemption
Datte: 16/05/2019,
Catégories:
fh,
ff,
copains,
lettre,
Auteur: Lignière, Source: Revebebe
Paris, le 12 juin 2004
Comme tu as dû t’en douter, j’ai beaucoup pensé à toi ces derniers jours et j’ai beaucoup regretté de n’avoir pas été près de toi pour te souhaiter un joyeux anniversaire et te donner les preuves de tout mon amour. Mais quelle idée as-tu pu avoir d’accepter de suivre ce grand nigaud d’Alain dans ce village de trappeurs ? Oui, je sais c’est ton mari, et alors ! Il n’a pas le droit de t’enterrer comme il le fait dans ce lieu sinistre, Québec et pourquoi pas Tombouctou ? Je m’ennuie de toi, tu me manques, combien de temps encore, devrai-je encore attendre ton retour ?
Je te veux à Paris pour les fêtes de fin d’année. Invente ce que tu veux, la mort d’une cousine, un héritage, que sais-je mais je te veux avec moi à Noël et longtemps après. Nous sommes toutes les deux si proches, si attachées, nous sommes jeunes, interdisons à quiconque de nous séparer. Je sais que chacune de mes lettres commence par la même litanie, et alors ? Comme disait souvent cette sainte nitouche d’Isabelle : Ne vaut-il pas mieux se répéter que de se contredire ?
Sais-tu que madame Champan a été admise à la clinique Cormier ? Tu te souviens certainement de Bernard, un grand dadais, terriblement intéressé par ce qui se cachait dans le corsage des filles. C’est la clinique de son père. Elle est en traitement pour un cancer. Je suis allée la voir, elle paraît très touchée au point de n’avoir même plus la force de rabaisser son monde comme son tempérament l’y portait. Tu vois, ...
... tout change.
Bernard vit maintenant à Annecy et est agent immobilier. Souvent il nous parlait de ses projets de carrière dans les relations internationales et il s’interrogeait sur les avantages accordés aux membres du corps diplomatique ! Il est marié à une cruche qui lui a fait quatre enfants et il serait très heureux. Ces informations m’ont été communiquées par son frère Bertrand qui est chirurgien et qui a pris la succession de son père à la tête de la clinique. J’ai eu l’occasion de le rencontrer pour prendre des nouvelles de la Marâtre. Il a répondu le plus honnêtement possible à mes questions mais ne m’a laissé aucune illusion sur l’issue fatale de la maladie. Comme Madeleine n’a aucune famille, je suis pratiquement la seule à la visiter. Dès que j’arrive à la clinique, sans doute le fait du hasard, il déboule dans la réception et se fait un devoir de m’accompagner au chevet de la mourante, puis il me reçoit dans son bureau. En général et très vite, la conversation s’oriente vers lui, sa vie, son engagement au service des malades, les difficultés de maintenir un taux de rentabilité suffisant dans une clinique, etc. Jeune étudiant en première année, il s’est fait piéger par une de ces amazones qui ne s’inscrit à la fac de médecine que pour se trouver un mari. Bertrand était brillant et assurément riche. Elle est tombée enceinte à la fin du deuxième trimestre. Ayant brisé une carrière certainement prometteuse il s’est résigné à l’épouser. Heureusement que papa était là. ...