1. La survivante


    Datte: 08/05/2019, Catégories: fh, mélo, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... découvert qu’un code d’urgence permettait d’en forcer l’ouverture. En piochant un ouvrage au hasard dans la bibliothèque, j’étais tombé sur une note de Keller, rédigée au verso de la couverture, qui dévoilait l’existence d’un « trou de sécurité ». En guise d’indice menant au fameux code secret, le vieux farceur avait trouvé hilarant de conclure par ces quelques vers :
    
    Du repos des humains, implacable ennemie,J’ai rendu mille amants envieux de mon sort,Je me repais de sang et je trouve la vie,Dans les bras de celui qui recherche ma mort. (*)
    
    Bien que j’aie tenté plusieurs fois de résoudre l’énigme, je n’en avais pas encore la solution. Peut-être aurais-je relevé le défi avec plus d’ardeur, si je ne m’étais pas résolu, en fin de compte, à demeurer dans mon abri. Il y avait trop de radiations pour espérer sortir. Et s’il existait encore une zone non contaminée par le Césium 137 et son vieux pote le Strontium 90, je ne survivrais pas assez longtemps pour la rejoindre. Sans compter qu’il ne devait pas faire bon se balader dehors, vu les conditions climatiques… De quoi aurais-je vécu, dans un monde pétrifié par le froid, stérilisé par l’atome ?
    
    Je me rendis alors compte que j’avais tout simplement peur. Peur de m’effondrer en voyant ce qu’ils avaient fait de la planète. Peur de ce que j’allais trouver en surface. Peut-être avais-je préféré faire l’autruche pour ne pas affronter tout ça. Néanmoins, si cette fille était en mesure d’être sauvée, je ne pouvais plus m’offrir ...
    ... le luxe de l’ignorance. J’allais devoir organiser une mission de secours, m’obliger à quitter l’abri. À condition d’avoir la certitude qu’elle soit vivante. Aucune envie de me sacrifier en pure perte…
    
    Je décidai d’allumer cette bon Dieu de cibi, pour tenter encore une fois de contacter la fille. S’il n’y avait pas de réponse, alors c’est que c’était cuit pour elle. Il ne me resterait plus alors qu’à oublier son existence. Pas facile, mais je me ferais une raison. Voilà exactement ce que j’allais faire.
    
    — Bon, ça va être à toi de jouer, frangine. Crois-pas que je vais me taper le travail tout seul !
    — Eva ? Vous m’entendez, Eva ? Répondez, bon dieu ! hurlais-je, excédé.
    
    Après une bonne demi-heure à essayer d’établir le contact, j’étais ulcéré de répéter les mêmes phrases. Ces mêmes mots, se heurtant encore et encore à un silence désespérant. Je savais bien que c’était foutu, que je m’escrimais en pure perte. Cependant, malgré ce témoignage éloquent de mutisme obstiné, je n’arrivais pas à raccrocher les gants, à renoncer à l’espoir de faire partager ma solitude à quelqu’un. Alors, je trouvais à Eva toutes les excuses pour ne pas répondre : une cibi défectueuse l’empêchant d’émettre ou de recevoir, une blessure assez grave pour la clouer au lit… Après tout, je n’avais aucun moyen d’être sûr, absolument sûr, qu’elle fut morte.
    
    Soudain un murmure rauque, inhumain, déchira ce silence de tombeau.
    
    — P… Piotr ?
    
    Elle avait répondu ! Un espoir énorme souleva mon cœur. ...
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